Ils sont présents tous les jours du matin jusqu’au soir, dans le quartier Saint-Michel. Les zonards, autrefois appelés punks à chiens, dérangent les habitants, les clients et les commerçants.
« Va te faire voir, connasse ! », lance l’un d’eux à mon encontre, en titubant, bière à la main. Compliqué de s’approcher des zonards, déjà très alcoolisés. Vu leur état, je ne fis que les observer toute au long de la journée.
11 heures. Deux hommes, 8.6 à la main et un chien couché sur un plaid se postent devant le Carrefour market du quartier Saint-Michel. Ils parlent fort, rigolent à gorge déployée. Le chien aboie plusieurs fois avant de se faire réprimander par son maître. L’un a une barbe rousse négligée, l’autre un baggy troué. Ce sont les zonards, autrefois appelés punks à chiens. Un mouvement qui voit le jour dans les années 70-80. Cette communauté proteste contre le capitalisme et s’exclut volontairement du reste de la population. Mais parfois, la cohabitation entre les habitants du quartier et les zonards est difficile.
A 14 heures, les cannettes de 8.6 jonchent le sol et se comptent par dizaine. Trois femmes, deux hommes et trois chiens rejoignent le groupe. Ils se serrent dans les bras, s’embrassent, rigolent, chantonnent. Les quatre chiens aboient par moments et le vigile du supermarché reste sur ses gardes, méfiant. Il leur tourne autour, les dévisage.
Une atmosphère violente et régulière
Vingt minutes plus tard un couple se sépare du groupe. Une femme avec un jean et un gilet vert restée dans le groupe leur fait un signe de main et s’exclame : « I love you. Je vous aime, à bientôt ». Aux alentours de 15 heures, cette femme s’emporte contre l’une des zonards, celle qui a un bonnet vissé sur la tête, celle-ci la traite de tous les noms : « Tire toi de là sinon je te crève« , « tu veux que je te pète la gueule c’est ça ?! ». Certaines têtes dépassent des fenêtres. Un spectacle qui attise la curiosité des habitants quand le volume des voix transperce les fenêtres des appartements.
Ces violences sont habituelles dans le quartier que ce soit entre eux ou avec les clients : « Plusieurs clients refusent de revenir faire leurs courses ici parce qu’ils se font insulter quand ils ne donnent pas de pièce. Ils ont peur de revenir », dit Michel le vigile du Carrefour market consterné. Lui-même agressé à plusieurs reprises par les zonards, il fait appel à la police mais rien n’y fait, ils reviennent toujours. Michel se sent impuissant : « J’aimerais avoir plus de moyens, comme des caméras de surveillance, au moins pour les éloigner de l’entrée ».
Des nuisances sonores entendues jusqu’au 12ème étage
Au 12ème étage, vitres et fenêtres fermées, les cris sont autant perceptibles que les bruits de moteur des motos. A l’intérieur d’un des plus hauts immeubles de Toulouse se trouve Bastien Greffier. Il a 24 ans et prépare son concours d’agrégation pour devenir professeur de physique-chimie. Seulement, chez lui, les éclats de voix des zonards en face de sa rue le distraient facilement : « Quand je suis en distanciel, les cris me dérangent mais bon, il faut bien qu’ils soient quelque part. Je vis avec.» Les bruits surviennent généralement dans l’après-midi jusqu’en soirée, mais Bastien relativise : « Je préfère cela plutôt qu’un voisin très bruyant ».
A 16 heures, le groupe se sépare. Deux femmes partent ensemble chez l’une d’elles chercher ses papiers, l’autre partie du groupe va faire le tour du quartier. Ils ne sont plus là et pourtant le bruit continue. Un des chiens est resté attaché à une barrière de ville. Il aboie et gémit.
Un dialogue difficile
« Interdiction de se poser devant les vitrines afin de ne pas gêner le passage ». A l’entrée du bureau de tabac de Nadine Larre, un panneau en police rouge est affiché sur la porte pour que les zonards évitent de squatter devant son commerce. Une règle qu’ils respectent plus ou moins : « Quand il pleut ils se mettent devant, mais en même temps il n’y a pas d’autres endroits. Ils ne sont pas méchants, parfois je leur demande d’aller ailleurs mais c’est compliqué à dire ». Les zonards ne gênent pas la clientèle de Nadine, mais des bagarres éclatent régulièrement entre les membres du groupe : « Elles ne durent pas très longtemps, 10 à 15 minutes pas plus », explique Nadine. Selon la buraliste, les zonards deviennent agressifs à cause de l’alcool ce qui ne laisse pas de place au dialogue.