Le Centre national de la recherche scientifique dévoilait en grande pompe, ce jeudi 9 février, son tout dernier robot humanoïde, appelé Pyrène. Une présentation quelque peu gâchée par des dysfonctionnements de celui-ci. Mais rattrapée par les prestations de son prédécesseur, HRP2.
Toute la presse nationale et locale était réunie ce matin au Centre national de la recherche scientifique de Toulouse pour la présentation du dernier-né de la robotique humanoïde : Pyrène. Les cadres du centre scientifiques publics étaient eux aussi présents, intervenant les uns après les autres pour louer l’énorme travail fourni par leur équipe. Un groupe, constitué d’une trentaine de chercheurs, de doctorants et de post-doctorants, français et étrangers. Tous travaillent pour le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS), l’institut de recherche en sciences et technologies de l’information, de la communication et des systèmes du CNRS, dirigé de Liviu Nicu.
Liviu NICU, directeur du LAAS-CNRS ouvre la cérémonie d’inauguration du robot humanoïde nouvelle génération #Pyrène pic.twitter.com/KSoKQB5M7g
— LAAS-CNRS (@LaasCNRS) 9 février 2017
Robotique, compréhension du corps humain et réflexions philosophiques
C’est d’ailleurs lui, le directeur du LAAS-CNRS qui débute lance la valse des différents discours rappelant que la robotique, c’est le futur et que cela servira dans tous les secteurs : de l’écologie à la sécurité en passant par la santé. Philippe Souères, le directeur de recherche de l’équipe Gepetto qui travaille sur les mouvements des systèmes anthropomorphes a, quant à lui, retracé l’historique des avancées en robotique. Il rappelle que « il y a encore 20 ans, on ne comprenait pas l’intérêt des Japonais pour la robotique humanoïde. C’était inquiétant [...] et passionnant. Un débat informel s’est alors créé sur ce sujet et son avenir, les besoins, les conséquences », raconte-t-il. Depuis lors, le CNRS s’est lui aussi lancé dans la course à la robotique humanoïde, aidé par l’Union Européenne mais aussi par Airbus.
En 2003 a ainsi été créé HRP2, un petit robot humanoïde d’1 mètre 54 pour 58 kilos, qui a beaucoup évolué, « il a commencé à faire ses premiers pas, puis en 2012, il a participé à un concours de danse hip-hop avant d’être présenté au Collège de France », se remémore Philippe Souères. Après des explications relativement complexes sur le raisonnement scientifique, Jean-Paul Laumond, représentant du Conseil européen de la recherche (ERC) a lui, abordé des questions de réflexions sur l’interaction robot/humain. « La question de comment marchent les humains est capitale et complexe, car on avance sans faire attention. On a donc travaillé avec des neuro-scientifiques qui sont arrivés à comprendre que c’est la tête qui sert à stabiliser le corps, tout se passe dans le cerveau. D’où la complexité de faire marcher un robot », explique-t-il. Les scientifiques ont donc fait appel à des danseurs et à des chorégraphes pour tenter de créer ce qu’ils appellent une partition des gestes. C’est-à-dire un moyen de décomposer les gestes pour comprendre comment le cerveau donne les ordres de mouvement. L’idée est donc qu’un robot, même humanoïde, reste un assemblage de pièces et que le fonctionnement du cerveau est encore trop incompris pour qu’un robot puisse agir de la même manière qu’un corps humain. Dans la même idée, le cerveau fait l’humain. Ainsi, « Les machines intelligentes ne le sont pas réellement.On parle de robots tueurs, mais c’est faux, ils n’ont pas de sentiments, les robots tueurs sont des armes automatiques téléguidées. Il faut qu’on trouve les mots justes, car trop souvent, on ne sait pas mettre les bons termes sur les faits ou pour décrire la robotique », tiens à préciser le représentant de l’ERC.
Pyrène bloqué, HRP2 fait le show à sa place
HRP2 a seulement 10 ans, mais aux yeux d’une technologie aussi poussée que la robotique, il est déjà vieillissant et commence à avoir un peu d’arthrite. D’où le besoin de créer son petit frère, Pyrène, qui est plus puissant, plus grand, plus maniable et tout simplement plus poussé. Il aurait donc dû rester au fond de la salle à faire figuration pendant que Pyrène en mettait plein les yeux des journalistes. Sauf que la robotique est affaire de précision et n’est pas toujours facile à gérer. Ainsi, alors que le moment tant attendu est arrivé et que l’on découvre enfin ce robot humanoïde dernière génération, ses concepteurs annoncent que celui-ci n’est pas en capacité de faire une démonstration comme cela était prévu. La faute à un travail trop poussé, la veille qui a fait bloquer certains éléments de Pyrène. Devant la déception affichée des spectateurs, HRP2 entre sur la piste pour sauver les meubles. Le petit robot bleu, seulement retenu par deux câbles aériens en cas de chute, marche en avant comme en arrière, est capable de monter un premier escalier en s’appuyant à la rambarde de ses mains en plexiglas puis un deuxième, ce coup-ci sans aucune aide.
Images: Sarah Thuault-Ney / Texte: Alan Bernigaud