Devenu un effet de mode, le tatouage n’en reste pas moins une culture à part entière. Et si certains se font tatouer pour suivre ce phénomène, d’autres sont de véritables passionnés. Chez les professionnels, entretenir la culture et profiter de cet engouement, s’entremêlent.
« Il est très facile de devenir légalement tatoueur »
Depuis les années 2000 et notamment sous l’impulsion de célébrités et sportifs, les tatouages se sont démocratisés à tel point qu’ils sont rentrés dans les mœurs. Selon l’Institut français d’opinion pub (IFOP), les tatoués représentent 14% des Français, soit 7 millions d’hommes et de femmes âgés de plus de 18 ans. Le marché bas donc son plein et certains comptes bien en profiter. Ainsi, sur les cinq dernières années, le nombre de tatoueurs aurait doublé, aidé par la facilité d’accès au métier et une demande forte. Ils seraient ainsi environ 4 000 à exercer en France selon Karine Grenouille, secrétaire du Syndicat National des Artistes Tatoueurs (SNAT), même si comme elle l’explique ce chiffre est assez aléatoire : « ces données ne sont pas centralisées par le ministère de la Santé, et peu d’Agences régionales de santé (ARS) mettent leurs données régionales à disposition du public ».
« Il est très facile de devenir légalement tatoueur », explique Romain, créateur du studio Blavck Way à Toulouse, « il suffit de suivre une formation de 3 jours en hygiène et payer la somme de 600. Mais la formation va bientôt être sur concours. Je pense qu’il faudrait une école reconnue pour qu’il y ait une véritable formation ». Du fait de cette relative facilité à devenir tatoueur, certains peuvent n’avoir qu’une faible connaissance de l’art du tatouage voir même ne pas être particulièrement doué pour le dessin. « Le conseil que je donne toujours pour choisir un tatoueur, c’est de regarder son book ainsi que l’état de son shop, si c’est propre, pour voir le respect de l’hygiène », précise Romain. Toutefois, si acquérir le statut de tatoueur est plutôt simple, il faut dire que les débuts peuvent être vraiment difficiles avec le besoin de se trouver une clientèle, mais aussi de surmonter les accueils parfois un peu extrême de ses nouveaux concurrents. « J’ai un ami qui lorsqu’il s’est installé à reçu deux semaines plus tard des lettres le menaçant et lui disant qu’il empiétait sur leur territoire », témoigne Romain. Cela dit, le plus dur reste de se faire une clientèle, et c’est là que l’on peut constater si oui ou non le tatoueur est doué.
Refus et effets de mode
L’activité attire donc, notamment du côté des graphistes ou des étudiants aux beaux-arts se spécialisant dans le domaine, fort de leur connaissance artistique. Ainsi émerge de nouvelles façons de tatouer mais aussi de nouvelles tendances, largement créer par internet et les réseaux sociaux. « Les gens voient un dessin sur le net et se disent wahou, je le veux », explique Samy, tatoueur au BouzilleDeLuxe à Toulouse. « Après, il ne faut pas non plus oublier que la plupart des modes actuelles comme les lignes fines par exemple viennent de tatoueurs, mais ont été popularisées par Internet », tient à souligner Romain, qui poursuit : « dans le tatouage, tout a déjà été fait, la différence vient surtout du coup de crayon et de la vision artistique du tatoueur ». Cependant, les réseaux n’en restes pas moins capitaux pour la communication, ils permettent aux tatoueurs de se faire connaître plus vite en montrant leurs plus belles pièces et en montrant ce qu’ils préfèrent faire. Car, en plus d’être de l’art, tatouer est un véritable métier, avec certaines contraintes ou réflexions comme la possibilité de refuser une demande par choix esthétique ou si au contraire, il faut tout accepter, même les dessins les moins intéressants pour se faire de l’argent. Être tatoueur ne garantit pas de salaire fixe, le carnet de commandes est la seule source de financement. « Pour les pièces les plus banales, très à la mode ou les plus farfelus, je comprends ceux qui refusent, généralement, ils le peuvent, car ils ont des années d’expérience derrière et une grosse clientèle assurée », raconte Nino, tatoueur au shop La Messe Noire.
« Le tatouage est une passion, il faut avant tout se faire plaisir, c’est sûr, mais il faut payer le loyer à la fin du mois, il faut un salaire donc des fois, tu ne fais pas ce que tu veux, mais tu le fais, tant que ça reste dans la limite du raisonnable », indique Romain. Des propos confirmés aussi par Samy, qui estime que « certains tatoueurs travaillent de façon industrielle, acceptant toutes les demandes, mais les plus communes comme des symboles de l’infini par exemple. Après, ce genre de tatouages nous permet de vivre, c’est un peu le revers de la médaille. Ça dépend de comment tu appréhendes le tatoo, mais on est aussi là pour éduquer d’une certaine manière, dire attention à ce que vous faites, faire de la prévention tout simplement », assure Samy.
Au final, tous les tatoueurs rencontrés auront répondu la même chose à la question le tatouage est-il toujours une passion ou juste un business : un peu des deux. Le tatouage est une culture, avec ses particularités, ses traditions, mais c’est aussi devenu, avec son essor, une profession grandissante. Ainsi, certains n’hésitent pas à suivre les modes en s’adaptant à la demande, car pour eux, la demande du client est son choix et ne demande pas toujours un énorme travail, leur laissant le temps de préparer au mieux, et sans se mettre dans le rouge, de grosses pièces sur les thèmes qu’ils souhaitent traiter. Et ainsi faire perdurer leur passion du tatouage.
Et si vous aimez les aiguilles, sachez qu’elles ne servent pas qu’aux tatoueurs mais aussi à l’Etablissement Français du Sang (EFS) pour la plus grande campagne de collecte de sang d’Europe, qui a lieu en ce moment à Toulouse. Un don permet de sauver des vies, ne l’oubliez pas.
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