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CRITIQUE. Nosferatu signé Robert Eggers : une fable gothique et hypnotique


Après le succès de The Witch avec Anya-Taylor Joy ou encore The Northman avec Alexander Skarsgård, Robert Eggers fait son retour en 2024 et dévoile son adaptation de Nosferatu : le vampire. En tête d’affiche Nicholas Hoult, vu dernièrement dans Juré n° 2 incarne avec brio son personnage. Cette fable gothique raconte l’histoire du vampire Nosferatu (Allemagne), plus communément appelé Dracula dans la version Roumaine. Sortie dans nos salles obscures en avant-première au Pathé Wilson, place Wilson, le 20 décembre dernier.

Le Nosferatu, signé Robert Eggers, plonge le spectateur dans une relecture gothique du classique de Murnau, alliant l’élégance macabre du genre à une exploration psychologique plus profonde. En s’appuyant sur des éléments visuels et narratifs forts, Eggers parvient à réinventer le mythe de Nosferatu tout en restant fidèle à ses racines gothiques, celles d’un vampire solitaire, maléfique et mystérieux. Cette réadaptation ne se contente pas de répéter l’histoire de l’original, mais explore avec soin les codes du gothique pour renforcer l’atmosphère pesante et hantée du film.

Un voyage au cœur du gothique

L’âme de Nosferatu se retrouve dans l’atmosphère gothique omniprésente, qui s’infiltre dans chaque recoin du film, de ses décors à sa direction artistique. Comme à son habitude, Robert Eggers laisse la trace qu’on lui connaît. Entre paysages brumeux, couleurs grises et bleutées, c’est une esthétique froide et sombre qui est mise en avant. Dans les salles obscures, il est aisément possible de s’immerger au sein d’une Allemagne familière et dans une Transylvannie plus mystérieuse. Une atmosphère qui vient flouter la frontière entre le réel et l’irréel.

Afin d’intensifier l’ambiance gothique, Eggers et son équipe misent sur les décors et les costumes. L’imagerie évoque une époque lointaine, où l’architecture des châteaux en ruine et des maisons isolées rappelle les romans d’horreur classiques de l’époque, comme ceux de Mary Shelley ou de Bram Stoker. Le château d’Orlok, n’est pas seulement un lieu où se déroule l’action, mais un véritable personnage du film : une forteresse lugubre, située dans un pays déserté, qui semble engloutir toute lumière et tout espoir.

Le long-métrage s’ouvre sur une scène très marquée par l’ombre et la lumière. On aperçoit, Lily-Rose Depp, le teint blafard, lever les yeux vers le ciel. Seuls son visage et ses mains jointes sont éclairés par la lune, l’arrière-plan est sombre. Une atmosphère oppressante qui rappelle les grands films gothiques du passé, de Nosferatu (1922) à La Nuit du Chasseur (1955).

Nosferatu de Murnau (1922)

Le vampire, une figure gothique par excellence

Dans cette version, le Comte Orlok (Nosferatu) incarné par Bill Skarsgård est à la fois une figure du monstre surnaturel et un reflet de la solitude tragique, un aspect essentiel du genre gothique. Si l’Orlok de Murnau était avant tout une créature terrifiante, celle-ci se montre encore plus tragique, une âme torturée, solitaire et mystérieuse. Constamment représenté comme une ombre qui vogue sur les murs, ou une main qui vole au-dessus de la ville, il ressemble à un spectre hantant les limites du monde des vivants. Un être étranger au monde moderne, totalement enfermé dans son malheur et sa malédiction. Il incarne une forme de beauté morbide qui n’est pas sans rappeler les vampires des grands récits gothiques, ceux de Dracula ou des Chroniques des vampires d’Anne Rice, où la monstruosité devient aussi un art de vivre solitaire, emprunt de mélancolie et de désir inassouvi.

Images du trailer

Une romance macabre au cœur du film

Le gothique, c’est aussi une exploration des passions interdites, des amours maudits, des désirs inavoués. Dans le Nosferatu de Robert Eggers, cette tradition est reprise en insistant sur la relation entre Orlok et Ellen, la jeune protagoniste interprétée par Lily-Rose Depp, qui devient l’obsession du vampire. Le long-métrage, contrairement à la version originale, se concentre davantage sur les sentiments d’Ellen et ses tourments. La jeune femme va être une grande partie du film, possédée par l’âme du vampire. La figure de la femme dans le gothique est souvent associée à la fragilité, à la pureté qui contraste avec le mal corrupteur du monstre. Ici, Lily-Rose Depp incarne cette figure de l’innocence perdue, à la fois victime et symbole de la beauté condamnée. Leur rencontre, l’attraction irrésistible et la lutte intérieure du vampire entre désir et horreur, s’inscrit pleinement dans les thèmes gothiques de la dualité et de la damnation. Les scènes dans lesquelles Orlok observe sa victime à travers l’ombre et la lumière sont des métaphores visuelles de ce désir interdit. À la manière de Dracula de Coppola (1992), Eggers explore cette attirance malsaine et presque sensuelle entre la créature et l’héroïne, une thématique essentielle dans le gothique, où la frontière entre l’amour et la peur est généralement floue. L’isolement du vampire, enfermé dans un château délabré et dans un monde qu’il ne comprend plus, amplifie encore cette image du monstre comme une figure solitaire, hors du temps et du monde.

Le Nosferatu d’Eggers n’est pas simplement une réadaptation d’un film de genre : c’est une exploration visuelle et émotionnelle du gothique, de ses codes, de ses passions et de ses désirs sombres. La figure d’Orlok, magnifiquement incarnée par Bill Skarsgård, s’intègre dans une tradition cinématographique qui n’a cessé de nourrir notre imaginaire collectif, tout en étant réinterprétée de manière moderne et profonde. Le film parvient à capturer l’essence même du genre gothique, à la fois triste, tordue et belle. Par son ambiance hypnotique et son traitement visuel soigné, Nosferatu s’impose comme une œuvre incontournable du cinéma gothique, une réinvention parfaite de ce mythe intemporel.



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