50 centimes par unité d’alcool, comment la France lutte contre la consommation de boisson ?

Chaque année 49 000 personnes meurent à cause de l'alcool. ©Mathieu Mar
8% des Français consomment 50% de l’alcool national. Le pays tente de trouver des solutions afin de réguler cette consommation. L’une d’entre elles, la mise en place d’un prix plancher par unité d’alcool. Alors qu’est-ce que c’est ? Est-ce que ça marche ? Le 24heures t’explique.

En octobre dernier, avait lieu le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Un nom compliqué mais en gros ce texte sert à maitriser les dépenses de la sécurité sociale. Tout ça en fonction des prévisions des recettes de l’État.

Lors de ce vote des sénateurs du PS, de droite et de Renaissance ont déposé un amendement. Celui-ci consiste à mettre en place un prix minimum sur l’alcool. S’il est adopté, chaque unité d’alcool serait à cinquante centimes, mais alors qu’est ce qu’une « unité » ?
Eh bien ça équivaut à 10g d’alcool pur, soit un verre standard en bar. Donc tu t’en doutes ça fait vite monter les prix. Prenons l’exemple d’une bouteille de vin. Il y a 7 à 8 unités dans une bouteille classique, donc on ne trouverait plus de vin en dessous de 3,50€.

Cet amendement a pour objectif d’impacter les gros consommateurs tout en épargnant les vins de qualité. Aujourd’hui, 8% des Français consomment 50% de l’alcool national.
Chaque année, notre pays décompte près de 49 000 morts liés à l’alcool selon Santé Public France.

Une réforme basé sur le modèle écossais

En Écosse, une mesure similaire a été appliquée en 2018. Au bout de 3 ans, selon The Lancet, la consommation a baissé de 3 %. Ils ont également constaté « une réduction significative des décès entièrement attribuables à l’alcool », moins 13,4%.

Ce sont la Ligue contre le cancer et la Fédération Addiction qui ont proposé cette réforme aux sénateurs. Benjamin Tubiana Rey, responsable communication nous le confirme, « on souhaitait une mesure basée sur le modèle écossais. Une mesure qui s’appliquait à la quantité d’alcool et non pas au type de boisson. » Bernard Basset, secrétaire générale de la fédération française d’addictologie, appuie : «  en Écosse on a constaté que cette réforme agit principalement sur les gros buveurs. On ne peux pas dire qu’ils arrêtent de boire, mais ils le font beaucoup moins. Le levier du prix est un levier efficace sur le niveau de consommation. »

Mais alors cette réforme, est-ce qu’elle ne mettrait pas une pression sur le public dépendant avec un faible taux de revenus ? « Si, c’est pour ça qu’il faut développer des programmes de prévention et des structures d’accompagnement. Ces personnes vont sûrement se priver d’autre chose pour pouvoir acheter leur boisson », s’inquiète Benjamin. « Le problème, c’est que mettre en place des programmes de prévention c’est très difficile puisque le lobby de l’alcool s’y oppose », prévient Bernard Brasset.

Une mesure efficace ?

Alors, on a le modèle écossais mais cette mesure serait-elle vraiment efficace en France ? Les fédérations le croient mais voyageons jusqu’à l’océan Pacifique. Nous nous rendons en Nouvelle-Calédonie, là où les prix sur l’alcool ont déjà fortement augmenté. Sur cette petite île, la boisson est un problème de santé public majeur. 65,5% des accidents de la route sont liés à l’alcool. Alors ils ont décidé de mettre en place des taxes, plus 12 % sur les bouteilles importées et 11% sur celles produites localement.
« La bouteille de Rhume la moins cher qu’on peux trouver est à 44 euros et pour le vin c’est minimum 13 euros », décrit Frédéric Lejear, habitant de l’île. « C’est complètement idiot parce que ça veux dire qu’il n’y a que les gens riches qui ont le droit de boire », appuie Nathalie.

Pourtant, cette mesure n’a pas vraiment fait baissé la consommation. « En réalité, elle sert pas à grand chose puisque les commerçants peuvent vendre des alambics. Alors, même si on n’a pas le droit de fabriquer notre alcool, tout le monde le fait », confie Frédéric.
De plus, cette mesure amène même des côtés négatifs selon Nathalie : « Augmenter les prix ça a causé beaucoup de vol et d’agression. Ça a juste crée une nouvelle délinquance. »

Face à la problématique majeur que représente l’alcool en Nouvelle-Calédonie, l’île est allée encore plus loin. « Après le covid, les boutiques avaient l’interdiction de vendre des bouteilles du jeudi au dimanche, mais ça a vite été retiré parce qu’ils se sont rendus compte que les calédoniens faisaient du stock en semaine », confie Nathalie. « Et aujourd’hui les commerçants n’ont plus le droit de montrer l’alcool. Ils sont obligés de mettre des grands panneaux noirs devant pour les cacher ou de mettre des vitres tintées. Et les vendeurs sont obligés de te demander ta carte d’identité même si tu as quarante ans juste pour qu’à la caméra on les voient faire », explique Frédéric.

Bref, revenons en France Métropolitaine. Pour l’instant nous ne savons pas si cet amendement changera quelque chose à la consommation. Il a d’abord été adopté par la Commission des affaires sociales, le 18 octobre 2023. Mais finalement, le gouvernement l’a supprimé lors du passage forcé de la loi des finances par 49.3.
Néanmoins les associations ne lâchent rien et comptent bien reproposer l’amendement cette année.

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