Mikael Tichit : “ Je vais devoir choisir entre ma famille et mon troupeau.”

Au cœur de la Lozère, à Saint-Alban-sur-Limagnole, Mikaël Tichit est éleveur de brebis. Il se passionne pour son élevage depuis plus de 20 ans. Mais depuis 2002 il est victime de la prédation du loup sur ces 300 brebis.

En 2002, il subit une première attaque de loup sur son troupeau. Personne ne le croyait « On m’a pris pour un fou au village, tout le monde pensait que je mentais ». Le 4 octobre 2017, à la fin de sa saison, parmi ses 85 brebis, 5 de ses brebis noires ont été attaquées. Le bilan : 3 tuées, 2 blessées. Une prédation de loup fait des dégâts sur une brebis, d’après Mikaël « Elles sont terrorisées, elles disjonctent. J’en ai une qui a même perdu ses dents à cause du stress. »

« Je dois protéger ma famille et mon troupeau.»

Mikaël Tichit


Après ces attaques, Mikaël appelle à résister contre le loup, principalement au Mont-Mouchet où il organise des rassemblements, accompagné de Bruno Lecomte, figure anti-loup en Lozère. « Je n’en veux pas au loup, il mange c’est normal. » raconte l’agriculteur.


En 2022, sûrement la pire année pour l’éleveur : neuf nuits d’attaque. De la mi-juillet à la fin novembre, Mikael a passé toutes ses nuits dehors pour veiller sur ses bêtes. « Je dormais deux heures par nuit dans une cabane en hauteur, que j’ai moi même construite pour protéger mes bêtes.» Une décision qui a un impact sur sa vie familiale, alors que sa femme était à cette période enceinte de leur deuxième enfant. L’éleveur confie, les larmes aux yeux, « Si les attaques continuent je vais devoir choisir entre ma famille et mon troupeau. »

Cabane dans laquelle il a dormi pendant cinq mois, pour surveiller son troupeau.

Traumatisé par ces attaques de loup en 2022, Mikaël Tichit retarde la sortie de ses brebis. Habituellement elles ressortent au début de l’hiver après la période de grand froid, « J’essaye de les remettre dehors vers mars, quand les températures remontent. Mais maintenant je redoute jour et nuit que le loup vienne attaquer, alors je les sors en fin avril. Je ne peux pas les laisser plus longtemps car elle risqueraient de suffoquer avec la chaleur. » explique Mikaël.

Sa seule victoire face au loup

Il se remémore avec émotion sa seule victoire contre le loup : sa brebis n°80 334. C’est la toute première qu’il a retrouvée blessée, après la première attaque du 13 juillet. Elle était complètement éventrée. Elle était gestante. On pouvait même apercevoir les deux fœtus. « J’ai dit au vétérinaire de se débrouiller, que je ne voulais rien savoir, qu’il fallait absolument qu’il la recouse. » confie Mikaël. L’animal est finalement sauvé et donnera naissance à ses deux agneaux, deux mois plus tard.

La brebis n°80 334, sauvée avec ses deux petits d’une attaque de loup.

Un sentiment d’abandon

Malgré la solidarité entre éleveurs, les frais vétérinaires conséquents s’accumulent et l’éleveur se sent impuissant face au loup. Sa vie est rythmée par l’angoisse de se faire attaquer chaque jour. « Si je tue un loup ça ne sera pas avec plaisir, j’aimerais éviter d’en arriver là » confie-t’il.

En dépit des solutions proposées par l’OFB (Office français de la biodiversité), l’éleveur se sent abandonné par l’Etat. Des aides financières sont à disposition pour indemniser les pertes d’animaux. Mais d’après lui « La perte d’un animal c’est quelque chose qui ne s’achète pas. » Pour lui une seule solution est possible mais elle n’est pas concevable : l’élevage en batterie. La santé des animaux serait impactée. La chaleur provoquée par les ovins dans un petit espace les ferait suffoquer. Les bâtiments des éleveurs ne sont pas adaptés pour l’élevage de batterie. « Le loup est trop intelligent, il va contrer tous les obstacles que je lui mets sur son chemin. C’est impossible de lutter contre lui. Je ne sais plus quoi faire pour protéger mes bêtes.  » révèle l’éleveur avant d’éclater en sanglots.

Laurine Meaulle