À deux mois du premier tour des présidentielles, les 18-25 ans et leurs cinq millions de votes potentiels forment un véritable enjeu politique. Public souvent dénoncé pour son absentéisme, qu’en est-il de son intérêt concret pour les élections ? À Toulouse, c’est un système scolaire trop éloigné du réel qui est dénoncé.
2017, 21% d’abstention chez les 18-25 ans. 2022, 64% d’entre eux ne se disent représentés par aucun parti politique selon une étude de l’institut montaigne. Et lorsque l’on questionne ces mêmes étudiants sur leur implication ou non vis-à-vis des élections, une réponse revient souvent, le manque de sensibilisation et de formation à propos de la politique et de ses thématiques, le manque de formation et de sensibilisation à son sujet dès le lycée.
“Souvent, la politique quand on est jeune, c’est l’avis des parents, ou les grands débats à la télé. En cours, au collège et au lycée, je n’en n’ai jamais réellement fait”, décrit Noria, 20 ans, étudiante en psychologie. “Honnêtement je regarde ça de loin, j’ai l’impression que l’on s’intéresse aux jeunes qu’en périodes d’élections. Au lycée, l’approche est trop théorique, on en fait pas ou peu de débat. Mes cours d’EMC (éducation morale et civique) me servaient surtout à rattraper les programmes en retard”, complète Alexis, 17 ans, à la sortie de son lycée.
“La politique est partout dans le programme, même si les élèves ne s’en rendent pas compte”
Mais alors comment cela se passe-t-il concrètement au niveau de la formation ? Thomas Jarry, professeur d’histoire toulousain évoque une politique omniprésente, mais qu’il est difficile de mettre pleinement en avant. Interview.
Tout d’abord, quelles sont les lignes principales abordées par le programme au sujet des élections présidentielles ?
“Il n’y a pas de lignes principales abordées par l’actuel programme au sujet des élections présidentielles depuis la réforme récente du lycée. En Terminale générale, on peut y faire allusion en Histoire ou en Géographie. En réalité, la politique est partout dans le programme, même si les élèves ne s’en rendent pas compte.”
“Mes cours d’EMC me servaient surtout à rattraper les programmes en retard”. Comment réagissez-vous en tant que professeur à cette remarque ?
“Cette remarque est très juste. Elle était d’autant plus vraie quand il y avait une épreuve terminale en juin qui exigeait de terminer le (lourd) programme d’histoire et géo, alors qu’il n’y avait pas d’épreuve d’EMC. Ce n’est plus le cas avec le contrôle continu, j’espère que l’on pourra encore mieux développer ces cours ainsi.”
Au fil des années, quelles sont vos observations vis-à-vis de l’intérêt des lycéens pour cette élection ?
“Depuis que j’enseigne au lycée, c’est la quatrième élection présidentielle. C’est très variable selon le type de lycée, selon les classes, selon la présence dans la classe d’élèves électeurs, adhérents ou militants d’un parti. Difficile donc de cerner une évolution.
Donner l’envie de s’intéresser à la politique, de stimuler la formation d’un esprit critique sans traverser les frontières de l’opinion, est-ce possible ?
“Cette question est centrale et elle est régulièrement posée par les élèves de lycée. La neutralité politique et confessionnelle est au cœur de notre métier : nous sommes des fonctionnaires d’Etat. Cependant nous sommes aussi les représentants de la République dans les lycées. Nous avons à respecter, faire respecter, représenter les valeurs républicaines. Bref, l’école est laïque. Cependant, nous sommes aussi des fonctionnaires-citoyens, et des citoyens tout court, dont les engagements peuvent être connus, parce que publics. Enfin, le programme d’histoire géographie du lycée, en particulier en Terminale, est traversé par le politique : difficile de ne pas engager la discussion avec des élèves, qui pour certains d’entre eux sont aussi des citoyens, donc difficile de « cacher », « retenir » son opinion personnelle. Avec cette question, on est sur un fil tendu, mais l’enjeux est important.”
Conclut le professeur.