Quinze demandeurs d’asiles albanais vivent actuellement dans un camp de fortune sur les berges de la Garonne, quartier Empalot à Toulouse. Tous ont été durement touchés par la crue survenue la semaine dernière. Mais au-delà des intempéries, c’est l’invisibilité qui les ronge.
Tentes déchirées, tôles éclatées, poussettes embourbées, jouets et chaussures éparpillés…Voilà le triste spectacle qui se joue au sein du camp de migrants albanais installé sur les berges de la Garonne à Toulouse. Les lieux, déjà insalubres, ont été saccagés par la forte crue du lundi 11 janvier 2022. “Nous avions de l’eau jusqu’au cou. Parmi nous, il y avait un bébé de 6 mois et une femme enceinte” raconte Mirela, 42 ans, migrante albanaise. La mère de famille est en état de choc. “Tout le monde s’en fiche, j’avais essayé d’appeler à l’aide avant les crues. Personne n’est venu à notre secours, c’était terrible”, ajoute-t-elle très émue.
Face aux inondations menaçantes, la plupart des occupants ont fui, laissant derrière eux toutes leurs affaires. “Certains sont allés du côté de la bouche de métro d’Empalot, d’autres ont erré dans les rues” explique Antoine Bazin, coordinateur d’Utopia 56, une association d’aide aux migrants. Selon lui, cette situation aurait pu être évitée : “ il s’est passé la même chose lors des crues de décembre dernier. Ces gens-là sont présents depuis longtemps, on aurait très bien pu faire le travail en amont et faire de la prévention pour qu’ils sachent comment faire lorsque l’eau remonterait.” Pour le bénévole, les coupables, ce sont “les institutions, qui ne font pas le boulot” déplore-t-il. D’après Mirela, elle et ses proches auraient pu être abrités dans le gymnase, mais “la mairie a refusé de l’ouvrir même pendant les inondations”.
De son côté, la mairie conteste. Selon une source interne, elle n’aurait pas obtenu le feu vert de la préfecture pour donner accès au lieu. Contactée ce mardi 18 janvier, la préfecture a quant à elle assuré, qu’il revenait à la municipalité de “proposer des solutions” et que “lors des intempéries qui ont eu lieu du 9 au 11 janvier, les personnes occupant le campement n’ont pas demandé de mise à l’abri lorsqu’elles ont été averties du risque d’inondation. »
Invisibles
Depuis peu, 3 familles sont revenues s’installer dans le camp. Même si la crue est terminée, le cauchemar continue. Sur place Mustafa, 14 ans, tente de réparer sa canne à pêche. “Je pêche tous les jours dans la Garonne, grâce au poisson j’essaie de nourrir tout le camp” explique l’adolescent. En Albanie, Mustafa allait à l’école. Depuis son arrivée à Toulouse, il y a quatre mois, le jeune homme se démène pour survivre face à la malnutrition, au froid et aux mauvaises conditions d’hygiène. “À Toulouse comme dans toute la France, c’est l’invisibilité qui prime. Ces gens n’existent pas. Il n’y aurait pas eu la crue, on ne parlerait pas du tout d’eux. On les laisse errer, on ne prend pas soin d’eux, on ne les accueille pas” dénonce Antoine Bazin.
Sur le camp, Douar, 16 ans, se réchauffe près du feu avec sa compagne Cristina, enceinte de 8 mois. La jeune femme dort à l’hôtel au vu de sa situation médicale mais lui ne peut pas l’accompagner. La journée, elle le rejoint au camp. “J’ai très faim” se plaint la future maman. Tous souffrent de malnutrition. “Hier j’étais malade, j’avais des vertiges parce que cela faisait 2 jours que je n’avais pas mangé” raconte Mirela. Selon elle, les associations ne leur fournissent “qu’un pot de yaourt et un morceau de pain”. Les mauvaises conditions de vie font des ravages chez les occupants. “Ma tante est très malade, le médecin est venu hier mais elle ne va vraiment pas bien” raconte Mirela.
Pour le moment, aucune proposition de relogement n’a été faite aux 15 demandeurs d’asile. Cette nuit à Toulouse, il fera -1°.