Après plus d’un mois, le mouvement de grève des éboueurs toulousain s’enlise et se durcit à mesure que les jours passent. Aux détours des quartiers, les commerçants, résidents ou simples passants constatent impuissants la dégradation de leurs rues. Quand l’odeur et les ordures s’entassent, certains tirent la sonnette d’alarme.
Il suffit de faire quelques pas dans les allées du quartier de La Vache pour constater l’ampleur du mouvement. Les éboueurs, réclamant des jours de congés supplémentaires pour compenser la fin de la règle du « fini-parti », laissent les poubelles et conteneurs à l’abandon, provoquant un débordement nauséabond de ces derniers. À l’angle d’une rue, près du métro, Christelle Descous voit les déchets se rapprocher lentement de sa boulangerie. Divisée, elle ne jette pas uniquement la pierre aux éboueurs : « Les gens savent qu’il y a une grève, ils sont au courant. Alors le minimum c’est de fermer son sac poubelle quand on le met aux ordures. Sinon il n’y a qu’à regarder la rue, les sacs ouverts se déversent sur le trottoir et ça c’est pas possible ». Démunie comme beaucoup d’autres, la boulangère ne craint pas seulement les odeurs dues à l’entassement des déchets : « Ce qui m’inquiète, c’est qu’il y ait des rats. Là, ça deviendrait vraiment compliqué ».
Dans le quartier, la commerçante n’est pas la seule à subir les retombées de la grève. À peine sorti de sa résidence, Maël, étudiant, esquive un premier tas de poubelles sur le trottoir. Cette habitude, prise depuis déjà plusieurs semaines, exaspère le jeune homme : « Je sors de chez moi pour aller en cours et je tombe sur une montagne de déchets, c’est insupportable. En plus, de temps en temps, il y a des remontées d’odeur dans tout le bâtiment. Je crois que c’est la première fois que je suis content qu’on ne soit pas en été. Imaginez la même situation avec la chaleur. Plus personne ne sortirait sur son balcon » regrette-t-il. À seulement quelques pas de là, sur la chaussée voisine, Inès, étudiante également, fait le même bilan : « Personnellement ça me dégoûte de devoir enjamber des déchets dès que je bouge. Je ne sais pas à qui est la faute, moi je veux juste que ça parte ». À première vue, le quartier de la Vache n’est pas épargné par la grève et la ressent de plein fouet. Ils ne sont pas les seuls.
©Thomas Duran
Trottoir bloqué et terrasse encombrée
Derrière le comptoir, dans son café étalé sur les avenues du quartier Jeanne d’Arc, Anne constate les impacts de la grève. Sa terrasse, lentement grignotée par les sacs poubelles entassés sur l’accotement, n’est que partiellement utilisable : « Les clients n’ont plus envie de s’installer en terrasse et c’est normal. On ne boit pas un café à côté des ordures ». En plus de la terrasse, la patronne constate des soucis d’odeur : « La semaine dernière il y a eu du vent et on s’est pris toutes les odeurs dans le café. On est un établissement qui fait du service alimentaire, ce genre de chose n’est pas possible ». Au-delà de son commerce, c’est toute l’image de la ville qui, selon elle, pâtit de la grève : « C’est vraiment pas propre et ça présente quand même très mal la ville. Imaginez des touristes qui arrivent, qu’est-ce qu’ils vont se dire ? » Plus loin le long des allées, certains toulousains arrêtent parfois leur regard sur les déchets qui jonchent le sol : « J’en ai marre mais je peux comprendre la colère des éboueurs. Pourtant je subis la grève. Il y a quelques jours encore, je ne pouvais même plus passer sur mon trottoir tant les déchets s’étaient éparpillés. Après, soit on fait quelque chose pour que ça s’arrête, soit on laisse les poubelles envahir Toulouse. Moi, j’ai laissé tomber, mais ce qui est sûr c’est qu’il faut trouver un terrain d’entente » estime Anthony, résident du quartier Jeanne d’Arc. À l’instar du jeune homme, nombreux sont ceux qui ont jeté l’éponge face au problème. « Je fais comme tout le monde je passe sans regarder. Par chance j’ai pas encore d’odeur mais si ça arrive j’avoue que je ne sais pas vraiment ce que je vais faire… », soupire Lise, résidant aussi dans le quartier.
Remontés, exaspérés ou fidèles au mouvement, les Toulousains sont divisés quant aux problèmes liés à la grève des éboueurs. Chose certaine, tous en subissent les conséquences. Actuellement les syndicats n’appellent pas à la fin du mouvement, ni même à une cessation temporaire. Les prochaines semaines vont-elles voir émerger des solutions ?