Tout plaquer pour revenir aux choses essentielles. En 2017, William Anstett, encore ingénieur informatique à Toulouse, a décidé de quitter sa ville, son travail et son appartement pour créer une micro-production de tisanes naturelles artisanales dans l’Aude. Un changement de vie guidé par l’envie de s’éloigner du système de production, du système de consommation, et du mode de vie urbain.
Un appartement en centre-ville, un métier d’ingénieur informatique. Et pourtant, « Je trouvais plus trop de sens à ce que je faisais » confie William. Il aimait beaucoup la vie urbaine et était loin d’imaginer que quelques années plus tard, il créerait sa propre exploitation de tisanes artisanales, à plus d’une heure de route des grandes villes audoises. « C’est un peu sur un coup de tête que les choses se sont déclenchées ». Aucun projet n’était décidé lorsqu’une maison s’est libérée à la campagne, dans le village où habitaient des amis du couple. « C’était l’occasion de découvrir d’autres choses, de m’ouvrir à d’autres métiers » se souvient-il. Rupture conventionnelle, rendu des clés, puis déménagement. Un saut dans l’inconnu en réalité parsemé d’opportunités.
« Il a besoin de comprendre les choses et donc de les étudier, de les expérimenter »
En arrivant sur place, William s’est demandé : « Que font les gens à la campagne ? ». De nombreuses rencontres l’ont mené vers la création de sa propre entreprise de tisanes artisanales, appelée « Petites Feuilles », faisant de lui un néo-paysan (nouvelle génération de paysans, ndlr). « J’ai beaucoup d’admiration pour son audace, son courage ! » confie Claire, sa compagne.
Sur ses terres, il utilise des méthodes ancestrales qui nécessitent des compétences pointues, jusqu’alors étrangères au jeune homme. Aujourd’hui, il connaît le sol, n’utilise pas de produits chimiques, ni de gros engins. Il possède une petite surface et « travaille à la main » selon son expression. « Je fais confiance aux micro-organismes et aux insectes ». Une phrase qu’il n’aurait jamais pensé dire auparavant.
Son cadre de vie, son cercle social et son quotidien professionnel sont complètement bouleversés. « À aucun moment dans ma vie je n’ai autant eu besoin de connaître mon territoire. Il y a un attachement local, centré sur les terres que l’on cultive, mais aussi sur les gens que l’on côtoie ». Une quarantaine d’habitants réside dans le hameau. « C’est moins que dans un seul immeuble parisien » plaisante Claire. Mais William l’avoue, son réseau social n’a jamais été aussi développé.
« La résilience est au coeur de ce que l’on essaie de construire au quotidien »
William aimerait être autonome. Dans son nouveau quotidien, il entretient un rapport plus étroit à la terre et au sol, comme en témoigne Claire : « Au-delà du métier, je sais qu’un lien très important s’est créé entre lui et ce territoire. Cela lui apporte la sensation d’être au bon endroit ». Sa volonté principale est de rendre son espace de vie et de travail plus agréables, plus efficaces, plus productifs. Mais pour lui, ce changement a commencé par une réflexion sur son impact et sa consommation. « On a planté des arbres et fait un potager. Puis on limite notre consommation de carburant, on travaille avec des outils manuels qui se réparent ». Mais pas que. Le paysan a relocalisé sa consommation. Ses produits alimentaires sont, pour beaucoup, issus de son jardin, de la forêt, mais aussi de ses voisins. « J’ai des gens qui font un fromage de chèvre magnifique juste à côté. D’ailleurs, on a appris que le fromage de chèvre avait une saison ».
En plus des compétences agricoles, le néo-paysan a dû acquérir un certain savoir-faire en termes d’organisation. « Avant, j’habitais au-dessus d’une supérette, je pouvais aller acheter de la crème pendant que je cuisinais. Ici, on doit s’organiser, faire des courses une fois par mois, et commander du vrac en grande quantité une fois par an. Autant vous dire qu’il ne faut rien oublier » plaisante le néo-paysan. Ce mode de consommation a réduit considérablement ses déchets, en cohérence avec son mode de vie, mais aussi sa facture. « Il y a un avantage à être indépendant, c’est qu’on peut faire ce que l’on a envie. Alors, oui, on ne gagne pas forcément d’argent, mais on se sent plus libre ». Pourtant, le manque de moyens créait, à la base, une véritable angoisse pour William.
« Je suis ravi de l’avoir fait »
« Ce qui nous marque le plus quand on retourne en ville, c’est le bruit et l’odeur ». Pour lui, ces éléments fatiguent au quotidien. « En ville, notre regard se pose sur des publicités, sur des enseignes, sur les gens que l’on croise. Ici, il n’y a que la nature à regarder, c’est beaucoup plus calme. Notre attention ne se porte plus du tout sur les mêmes choses » explique-t-il, apaisé. Aujourd’hui, son rythme a changé. « Ici, notre vie est liée à la nature, au vivant, à la saisonnalité » explique Claire. Pourtant, pendant un moment, il a eu l’impression de s’éloigner des choses essentielles. « Je suis content d’avoir réussi à mettre au centre de mon quotidien des choses qui me semblent plus importantes : l’énergie, l’alimentation, la consommation, le collectif, le temps, l’art ». Pour lui, cette proximité se développe lorsque les individus se rapprochent de la nature. « On a véritablement gagné à se rapprocher des choses plus simples », constate-t-il aujourd’hui.