À seulement 20 ans, Lili Dezou s’est déjà imposée comme une figure montante du rugby français. Elle a débuté à Grenade, dans le club de la ville où elle a grandi, et a représenté la France aux derniers Jeux Olympiques avec son équipe de rugby à 7. Elle évolue aujourd’hui dans cette équipe depuis deux ans et continue ses études d’économie à l’université du Capitole. Rencontre avec une athlète déterminée, qui nous livre son parcours, ses ambitions et sa vision du rugby féminin..
Q : Pensais-tu un jour participer aux Jeux Olympiques ?
Jamais de la vie ! Je n’aurais même pas imaginé jouer en pro, alors les J.O… encore moins ! J’ai commencé dans le petit club de ma ville, mais il n’y avait pas assez de filles pour former une équipe féminine. J’ai donc d’abord joué avec les garçons avant d’intégrer une équipe féminine au Stade Toulousain. C’est là que des sélectionneurs m’ont repéré et m’ont proposé de rejoindre le pôle espoir de Jolimont. Grâce à ça, j’ai pu aménager mes études au lycée pour m’entraîner plus intensément. Ensuite, j’ai intégré l’équipe première du Stade Toulousain et, en 2022, j’ai officiellement fait mon entrée dans le rugby professionnel. Cette même année, j’ai aussi été sélectionnée en équipe de France pour la Coupe du Monde de rugby à sept.
Q : Comment as-tu vécu cette qualification pour les J.O ? Et tes proches ?
Je l’ai appris un mois avant le début des épreuves. C’était une période stressante, car la saison touchait à sa fin et on ne savait pas encore comment elle allait se conclure. Quand j’ai su que j’étais sélectionnée, j’ai ressenti une joie immense… mais aussi un grand soulagement, car on travaillait depuis deux ans pour cet objectif. Mes proches étaient eux aussi très heureux pour moi. Ils ont suivi l’aventure à fond et sont même montés à Paris pour me voir jouer.
Q : Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté, sur le plan personnel et professionnel ?
C’était hyper gratifiant. Mais ce qui l’a rendu encore plus marquant, c’est que j’ai partagé cette expérience avec mes coéquipières, des filles avec qui je joue et vis depuis des années. Sportivement, ça m’a appris à gérer de grandes déceptions. On n’est pas allées aussi loin qu’on l’espérait et, honnêtement, c’est encore difficile d’en parler. Participer aux J.O, c’est déjà incroyable, mais une fois sur place, l’esprit de compétition prend le dessus et on veut juste aller le plus loin possible.
Q : Quels sont tes objectifs pour les prochaines saisons ?
À long terme, participer aux Jeux Olympiques de 2028. À moyen terme, reconstruire une équipe solide avec les filles du rugby à sept. En ce moment, il y a beaucoup de turnover, ce qui fait qu’il y a beaucoup de nouvelles et peu d’anciennes pour assurer une continuité. Et puis, en parallèle, obtenir ma licence en économie.
Q : As-tu conscience d’être un modèle pour les jeunes joueuses ?
Pas vraiment. Je vis ma vie comme tout le monde. Bien sûr, quand on me demande des autographes ou qu’on me sollicite pour une interview, c’est gratifiant. J’ai un parcours atypique, c’est sûr, mais je n’ai pas forcément conscience de l’impact que je peux avoir sur d’autres.
Q : Quels sont, selon toi, les principaux freins qui empêchent encore certaines jeunes filles de se lancer dans le rugby ?
Le premier frein, c’est qu’elles ne veulent pas jouer dans une équipe de garçons. Malheureusement, dans beaucoup de clubs, il n’y a pas assez de filles pour créer une équipe féminine. Ensuite, il y a aussi les préjugés. C’est un sport de contact, un sport de combat, et la société ne pousse pas naturellement les filles à se tourner vers ce genre de discipline. Mais les choses évoluent ! J’ai l’impression qu’il y a un petit effet de mode et que le rugby féminin commence à se développer. De plus en plus de clubs investissent dans les filles, certains reçoivent même des subventions lorsqu’ils recrutent des joueuses.
Q : As-tu déjà été confrontée à des stéréotypes en tant que femme dans le rugby ?
Forcément, oui. Quand tu fais un bon plaquage à un garçon ou que tu marques un essai, il y en a toujours que ça dérange… question d’ego masculin. Mais honnêtement, ça ne m’a jamais posé de problème. J’ai été bien entourée, avec des entraîneurs très bienveillants.
Q : Que faudrait-il améliorer pour que le rugby féminin gagne en visibilité ?
C’est un cercle vicieux. On n’est pas assez diffusées à la télévision, donc on ne rapporte pas d’argent, ce qui complique la recherche de sponsors. Moins de sponsors signifie moins d’investissement des clubs, donc des moyens d’entraînement plus faibles. Contrairement aux hommes qui s’entraînent sept jours sur sept, nous avons seulement deux à trois séances par semaine, après une journée de travail. Le niveau de jeu s’en ressent, il y a moins de spectateurs, donc moins d’intérêt des diffuseurs… et on repart au début du problème.
Q : Quel message aimerais-tu faire passer aux jeunes filles qui rêvent de suivre ton parcours ?
Ne vous prenez pas la tête ! Saisissez toutes les opportunités qui se présentent, amusez-vous, soyez déterminées. Et pour celles qui hésitent encore, lancez-vous ! Le rugby, c’est une expérience de vie incroyable. En plus, c’est un sport collectif, donc socialement, on fait plein de rencontres et on s’épanouit énormément. Il faut oser, faire confiance aux autres… et surtout, se faire confiance à soi-même !