La Winter Edition 2024 a transcendé une fois encore au Pathé Wilson les 14, 15 et 16 janvier derniers, la simple aventure alpine pour offrir une réflexion profonde sur le lien intime entre l’homme, la montagne et l’urgence climatique. A travers quatre courts-métrages d’une intensité saisissante, le festival explore des récits mêlant exploits sportifs, introspections personnelles et témoignages sur la fragilité de nos sommets.
Chapitre 1. « Always Alive » – Hillary Gerardi et le Mont-Blanc en résistance
Réalisé par Davina Montaz-Rosset, ce court-métrage de 32 minutes, met en scène Hillary Gerardi, athlète emblématique du skyrunning, qui s’attaque au mythe du Mont-Blanc dans une quête mêlant défi personnel et réflexion sur un écosystème en péril. Le court-métrage nous entraîne dans son ascension fulgurante depuis l’église de Chamonix, mais ce n’est pas seulement la vitesse qui impressionne : c’est la conscience aigue d’Hillary face à la transformation de son terrain de jeu.
Les crevasses, autrefois de simples obstacles, deviennent des abîmes insurmontables. Les passages dits « faciles » sur les glaciers, se métamorphosent en terrains techniques, rendant l’exploit non seulement sportif mais symbolique. Les séquences alternent entre des vies aériennes majestueuses et des moments d’introspection, où Hillary dévoile des doutes, sa colère et son amour pour ces montagnes en sursis.
Ce court-métrage est un cri du cœur visuel, porté par une réalisation poétique et une bande sonore immersive. Cependant, il effleure parfois la complexité scientifique du réchauffement climatique, notamment avec les interventions récurrentes de la glaciologue Heïdi Sevestre, laissant le spectateur désireux de davantage de profondeur.
Chapitre 2. « Painting the Mountains » – L’art de tracer l’impossible
Réalisé par Pierre Cadot, le deuxième court-métrage emmène les spectateurs en Patagonie découvrir trois skieurs-alpinistes, Aurel, Vivian et Jules, qui repoussent les limites du ski de pente raide sur les parois granitiques d’El Chaltén.
Plus qu’une performance, « Painting the Mountains » est une ode à l’exploration, la créativité et le risque. Les montagnes deviennent une toile sur laquelle ces aventuriers tracent leurs lignes, en équilibre entre danger et poésie.
Le photojournaliste Mattjew Tufts accompagne cette équipée sauvage, capturant des instants fugaces où la nature se révèle dans toute sa splendeur. Mais derrière les prouesses, le film aborde subtilement la vulnérabilité des montagnes patagoniennes, victimes des mêmes bouleversements climatiques que les Alpes. Avec des images spectaculaires et une narration fluide, Pierre Cadot livre un hymne à la passion et à la camaraderie. Cependant, le propos environnemental reste discret, presque étouffé par l’adrénaline.
Chapitre 3. « Ground Up » – Escalader l’impossible
Dans ce court-métrage, réalisé par Chris Alstrin, Amity Warme et Brent Barghan s’attaquent à la variante Pineapple Express d’El Nino sur El Capitan, dans le Yosemite. Pendant 8 jours, ils gravissent la paroi avec une détermination et une complicité qui défient les lois de la gravité.
Le film s’attarde sur les aspects techniques de l’escalade libre, mettant en lumière la force mentale requise pour affronter les défis constants imposés par la nature. Pourtant, à mesure que les prises deviennent plus précaires, on se demande jusqu’où les grimpeurs pourront ils aller alors que le climat modifie progressivement les conditions de ces parois ?
Le court-métrage est simple et authentique. Bien qu’il se concentre principalement sur la prouesse sportive, il éveille une réflexion subtile sur la résilience humaine et celle des environnements que nous mettons à l’épreuve. Attention tout de même, si vous n’êtes pas chevronnés d’escalade, le vocabulaire employé peut être assez technique.
Chapitre 4. « Of a Lifetime » – Une histoire de famille en plein milieu sauvage
Jérôme Tanon (réalisateur du film), invite les spectateurs à suivre la famille De Le Rue dans une odyssée polaire. Xavier, triple champion du monde de freeride, embarque son frère Victor et sa fille Mila, à l’aube de ses 18 ans, pour une expédition hors du commun en Antarctique.
Après une traversée en voilier tumultueuse, ils découvrent un continent où la glace règne, mais où la fragilité est omniprésente. Le court-métrage alterne entre des moments d’euphorie, des descentes vertigineuses sur des glaciers immaculés et des instants de doute, où l’immensité de l’Antarctique devient écrasante. Tanon capte avec finesse la dynamique familiale : les tensions, les complicités et la transmission de la passion pour la montagne. La scène finale est mémorable, les paysages sauvages défilent, les protagonistes glissent sur les glaciers avec le coucher de soleil en arrière-plan. Ces scènes bercées par une reprise de « Exit Music (For a film) » de Radiohead.
« Of a Lifetime« permet au spectateur de s’immerger dans cette odyssée au milieu de ce paradis blanc. Une oeuvre où l’émotion humaine et la puissance des paysages polaires s’entrelacent. La réalisation est d’une grande précision, mais malgré quelques passages dans lesquels le sujet climatique est abordé, le spectateur aurait aimé un peu plus de considération.
La Winter Edition 2024 de Montagne en Scène dépasse le simple cadre de cinéma pour poser une question essentielle : comment continuer à aimer et explorer ces montagnes qui, chaque année, s’effacent un peu plus ? Si chaque court-métrage offre des récits d’exception, ils convergent vers un même constat : la montagne, dans sa grandeur et sa fragilité, est un miroir de nos espoirs et de nos responsabilités.
A travers ces histoires d’efforts, d’amitié et de conscience écologique, Montagne en Scène invite non seulement à l’admiration mais aussi à l’action. Un rendez-vous qui marque les esprits.