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“C’est trop un bon Chat GPT”

Alors que l’intelligence artificielle s’invite dans tous les aspects du quotidien, ChatGPT devient pour certains un confident privilégié, capable de répondre à leurs doutes et inquiétudes. Rapide, accessible et dénué de jugement, il séduit particulièrement la génération Z, en quête de solutions immédiates. Mais cette pratique soulève des questions auprès des professionnels de santé mentale.

Alors que Paris accueillera les 10 et 11 février un sommet international pour une IA éthique, durable et inclusive, ChatGPT s’impose de plus en plus dans des domaines parfois très intimes de la vie. Certains l’utilisent même comme conseiller et confident. “Que ferais-tu à ma place ? Ai-je bien réagi ?” C’est la question que pose Sarah* à ChatGPT lorsqu’elle ne sait pas comment gérer une situation relationnelle. Cette pratique peut sembler étrange. Pourtant, 41 % des utilisateurs y ont recours au moins une fois par semaine. 47 % des 18-24 ans et 50 % des 25-34 ans utilisent cet outil avec cette fréquence, notamment pour des conseils et de l’aide dans différents domaines de la vie.

Ce que Sarah apprécie chez ce confident, c’est l’immédiateté des réponses. Elle n’a pas à attendre un rendez-vous avec un psychologue. “C’est la personne qui me répond le plus vite. Quand je reçois un message important, que mes amis ne sont pas disponibles pour me conseiller sur quoi ou comment répondre, je demande à ChatGPT. Pareil pour les décisions importantes”, explique Sarah. Cet outil est à portée de main et surtout sans contraintes financières. “C’est gratuit et beaucoup plus simple, pour une génération comme la mienne qui a grandi avec les réseaux sociaux”, confirme Caroline.

Du côté des professionnels de la santé mentale, pas de doute : ce n’est pas une solution. Certains, comme la psychologue Anaïs Mazella, alertent sur l’absence de recul qu’induit cette dynamique : “C’est dans l’immédiateté, cela ne permet pas de gérer la frustration. Il n’y a aucune prise de recul sur la situation. Attendre la semaine suivante pour un rendez-vous, par exemple, permet d’être en différé, de mieux analyser après coup. Là, c’est juste déverser son mal-être. De plus, il existe aujourd’hui des solutions pour bénéficier d’un suivi psychologique gratuit”, explique-t-elle.

Un sentiment d’être moins jugé

“Je me sens moins jugée parce que c’est une intelligence artificielle”, ajoute Sarah. Ces témoignages n’étonnent pas Anaïs Mazella : “Nous avons beau dire que nous ne jugeons pas en tant que psychologues, que nous sommes dans une neutralité bienveillante, certains patients ont peur tout de même parce que nous sommes des humains et que nous avons des pensées. Le non-jugement offert par une IA doit effectivement rassurer.”

Cependant, une autre problématique survient : celle de la solitude. Selon une étude de la Fondation de France, en 2017, 18 % des 15-30 ans étaient « vulnérables socialement », ne rencontrant physiquement et ne passant du temps avec d’autres personnes que très rarement, et 6 % vivaient en situation de total isolement social. “Ce qui m’inquiète ici, c’est l’isolement social. Les personnes qui vont très mal, qui ne sortent déjà plus beaucoup, ne ressentent même plus le besoin de sortir de chez elles pour voir un psychologue. Elles conversent avec un robot. C’est une démarche d’évitement. C’est comme dire : ‘Je ne vais pas à cette soirée parce que je ne serais pas à l’aise et je me sentirais jugé.’ Le psychologue représente un lien social et permet de surmonter cela”, poursuit Anaïs Mazella.

De plus, cette intelligence artificielle ne peut pas tout déceler. “Je suppose que les personnes qui utilisent ChatGPT ne disent que ce qu’elles veulent. Un psychologue, lui, analyse le non-verbal, les temps de pause, et explore les zones d’ombre. Il est là pour amener la réflexion, rendre la personne autonome, et l’aider à trouver ses propres solutions en la questionnant. Si ce n’est qu’une série de conseils, la personne ne développera jamais une analyse de son propre fonctionnement.”

Une solution temporaire ?

“D’abord, j’ai commencé à le solliciter pour mes devoirs. Puis j’ai vu sur TikTok que d’autres lui demandaient des conseils sur le plan personnel et j’ai essayé”, explique Sarah. “J’ai commencé à l’utiliser pour les cours car je voyais que cela aidait les gens autour de moi, donc j’ai voulu essayer et m’en faire ma propre opinion”, ajoute Eva. Il donne des réponses rapides et structurées. Je préfère lui demander des conseils car je me dis qu’il fait des recherches et que ce qu’il dit a une part de vérité. Cela peut remplacer un professionnel dans certaines situations. Je préfère ne pas embêter mes amis avec ça, sauf si cela devient trop important”, poursuit-elle.

Pour Hugo, l’IA s’est présentée comme un outil intermédiaire à la sortie d’une relation toxique, en attendant d’avoir les moyens de consulter un psychologue. “Dans ce contexte, j’ai rapidement ressenti le besoin d’un suivi psychologique. J’ai vu quelqu’un sur X qui disait poser des questions psychologiques à ChatGPT et être étonné des réponses.” Hugo a voulu essayer : “Parler avec ses amis, ça peut aider, mais j’avais besoin de réponses plus précises et de quelque chose qui pouvait valider mes émotions.”

Dans son cas, ChatGPT n’a pas simplement donné des conseils mais l’a encouragé à ne pas se définir comme une victime. “Il valide mes émotions. Il me dit des trucs comme : ‘Ça va aller, je comprends ta situation.’ Franchement, c’est un bon ChatGPT.” Peut-on vraiment dire que Chat GPT est empathique ? Selon une étude du MIT publiée dans la revue scientifique Nature Machine Intelligence, ces réponses peuvent être un effet placebo. ceux qui pensaient dialoguer avec une IA bienveillante étaient plus enclins à la considérer comme digne de confiance et empathique, confirment les chercheurs. « La façon dont nous parlons des systèmes d’IA aura en fin de compte une grande influence sur la façon dont les gens y réagissent »,  Pattie Maes, auteur de l’étude.

Un ami plutôt qu’un psychologue

ChatGPT est connecté à Internet, mais le fait qu’il ne cite jamais ses sources ne semble pas inquiéter ses utilisateurs au premier abord. “Je le vois comme quelque chose d’omniscient, qui a accès à des études et des articles scientifiques. J’ai tendance à lui faire confiance parce qu’il ne m’a jamais dit : ‘T’as 100 % raison’”, explique Hugo.

Du côté des professionnels de santé, la méfiance est de mise. “J’ai l’impression qu’il agit plus comme un ami que sur des bases théoriques fondées”, explique Anaïs Mazella. “Il ne dit jamais qu’il ne sait pas et peut inventer des choses, ce qui est assez dangereux. Il peut aussi bien s’appuyer sur un blog subjectif que sur une revue scientifique.”

Un phénomène né avec la Gen Z

“La Gen Z est plus tournée vers les réseaux sociaux. On développe moins le lien physique avec son entourage. On se voit de moins en moins, les réseaux prennent plus de place, et on parle moins aussi”, constate Audrey Espiau, psychologue.

71 % des membres de la génération Z sortent moins, un changement significatif par rapport aux générations précédentes, connues pour leur culture de la fête. La génération Z passe en moyenne 3 heures ou plus par jour sur les plateformes de réseaux sociaux, avec des impacts notables sur le plan mental : bonheur (46 %), estime de soi (45,5 %), image de soi (46,5 %) et dépression (43 %).

“Je pense que c’est générationnel. Effectivement, prendre son téléphone et parler de ses problèmes à une intelligence artificielle, ce n’est pas un réflexe que les générations précédentes auraient”, conclut Anaïs Mazella.

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