L’inflation hante les nuits (et les factures) des boulangers. Depuis la pandémie de Covid-19, ils doivent faire face à la flambée des prix de l’énergie et des matières premières. La boulangerie blagnacaise Maison Blanchard n’y échappe pas. « Avant le Covid-19, je payais 1500 € d’électricité par mois. Le mois dernier, ma facture mensuelle s’élevait à 6800 €. Je suis passée de 18 000 € à 40 000 € d’électricité par an. C’est un truc de fou. Ça pompe toute la trésorerie », souffle Isabelle Blanchard, les manches et son tablier encore plein de farine. Pour la patronne du fournil haut-garonnais 100% artisanal, quelque chose ne tourne pas rond. « J’ai fait une réclamation à EDF. Mon dossier va être examiné à Paris. », assure-t-elle, déterminée à y voir plus clair dans ses factures d’électricité.
« Je suis et resterai 100% artisanal ! »
Face à l’inflation, bon nombre de boulangers ont été obligés de mettre la clé sous la porte. D’autres ont opté pour une stratégie industrielle. Mais les patrons du fournil situé dans le quartier d’Andromède ne veulent pas en entendre parler. « Je suis et resterai 100% artisanal ! C’est une volonté personnelle », lance Philippe Blanchard tout en admettant : « Si je me mets à vendre des croissants surgelés, je vais gagner plus d’argent car je vais économiser de la main-d’œuvre. Le produit surgelé coûte entre 30 et 35 centimes. Il n’y a plus qu’à le cuire et le vendre 1,10 € ». « Près de 90% des boulangeries ne font pas elles-mêmes leurs viennoiseries », regrette sa femme Isabelle.
Maison Blanchard a donc été contrainte de revoir, à deux reprises, le tarif de ses produits à la hausse depuis la crise sanitaire. Sans pour autant retrouver sa marge initiale. « Tu ne peux pas trop augmenter les prix car les gens ne vont plus acheter sinon. On ne va pas mettre la baguette à 2 €. Ce n’est pas possible », affirme Isabelle qui se réjouit de n’avoir eu « aucun mauvais retour de ses clients ». « Un habitué m’a même conseillé d’augmenter mes tarifs », sourit-elle. « On a tous remarqué l’inflation en allant faire nos courses au supermarché. C’est normal qu’ils (les boulangers) augmentent leurs prix même si ça ne fait pas plaisir à notre porte-monnaie », plaisante une cliente dans la file d’attente du commerce. Derrière son comptoir, Isabelle a tout de même remarqué que le panier moyen de ses clients a diminué. « Ils font attention à ce qu’ils achètent et vont davantage à l’essentiel », lâche l’ancienne Angevine.
Le recyclage pour faire face à l’inflation ?
Pour lutter face à l’inflation, le fournil blagnacais essaie alors de trouver des alternatives. Le « recyclage » en est une. « On recycle nos croissants et chocolatines en croissants aux amendes pour ne rien perdre et garder des produits de qualité », confie la vendeuse avant d’ajouter : « On cuit le soir. Même si ça nous oblige à rallumer le four, ça nous permet d’avoir moins de pertes. Le pain de la veille est utilisé pour faire des tartines qui sont mises en vente ». Mais pour les boulangeries, l’inflation ne se résume malheureusement pas qu’à l’électricité. « Les produits de premières nécessités qu’on utilise tous les jours ont tous augmenté. Le beurre, la farine, les œufs… Leurs tarifs varient d’une semaine à l’autre et ont augmenté en moyenne de 20 à 30%. Personne n’en parle mais les emballages ont pris 30%. C’est de la folie », martèle la gérante qui se dit « obligée d’être sur le dos des fournisseurs » qui essaient selon elle de « faire passer ces augmentations en douce ».
Un jeune boulanger de la Maison Blanchard en pleine préparation de chocolatines et motivé à l’idée de créer sa propre boulangerie dans le futur. (Crédit photo : N.C.)
Quid de la pâtisserie ? « Les soucis sont les mêmes. On utilise les mêmes produits. On essaie de faire des gâteaux qui prennent moins de temps. Un entremets par exemple, ça ne nous rapporte pratiquement rien au vu des heures de travail et des matières utilisées », rétorque Isabelle qui doit gérer près de 20 salariés et qui s’étonne de voir des jeunes « motivés à se lancer dans le métier malgré la conjoncture actuelle ». « Peut-être que la nouvelle génération trouvera une solution », glisse la gérante. De son côté, son mari, vice-président du syndicat de la boulangerie en Haute-Garonne, se dit « inquiet pour l’avenir du métier en milieu rural ». « Les factures d’électricité et des matières premières à ces prix-là, ça ne va pas pouvoir durer encore longtemps », soupire sa femme. La question est de savoir jusqu’à quand ?