« On est tous et toutes sexistes »: Alexia Anglade, coach en management, réagit au sexisme dans les entreprises

Alexia Anglade, positionnée sur le développement de la parité et de l'égalité entre les hommes et les femmes dans les entreprises. © Marie Aébi
Le Haut Conseil à l'Égalité a rendu son 6e rapport annuel sur le sexisme en France. 9 femmes sur 10 déclarent avoir personnellement subi une situation sexiste. Mais qu'en est-il de la situation dans les entreprises ? Alexia Anglade, créatrice de la société Lumières s’il vous plaît, experte dans le développement de la parité et de l'égalité entre les hommes et les femmes dans les entreprises, s'exprime.

Que signifie le mot sexisme ?

Pour en revenir à la base, le sexisme, c’est le fait d’avoir un comportement lié au sexe de la personne. On est tous et toutes sexistes, ça marche dans tous les sens. Ça peut être des hommes envers des femmes, des hommes envers des hommes, des femmes envers des femmes et des femmes envers des hommes. Après, ce n’est pas moi qui le dis, mais les statistiques : il y a un système assez massif sur des comportements sexistes d’hommes envers des femmes.

(Dans le dernier rapport publié par le Haut Conseil à l’Égalité, 9 femmes sur 10 déclarent avoir personnellement subi une situation sexiste.)

Donc pour trier si les comportements sont sexistes ou non, il faut se demander : est-ce que ce que je viens de dire ou de faire, ou ce qui vient d’être dit ou fait, aurait eu lieu de la même façon si c’était un homme au lieu d’une femme ? 

Si vous vous dîtes : Si j’étais un homme, on m’aurait pas dit ça ou on m’aurait pas fait ça. C’est sûr que c’est un comportement sexiste. 

Et à l’inverse, si vous êtes un homme et que vous vous dîtes si j’étais une femme, on n’aurait pas fait ça, on n’aurait pas dit ça. C’est sexiste aussi.

Quels sont les types de sexisme que l’on retrouve dans les entreprises ?

Il y a des formes de sexisme qui sont très visibles que l’on appelle hostiles. Il y a le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles, c’est à dire qu’il y a un contact physique non souhaité sur une zone sexuelle par quelqu’un qui survient par force, par surprise ou par menace. En dessous, vous allez avoir par exemple des propos discriminants, des insultes, des injures, des comportements discriminants volontaires.

Après, là où ça devient un peu plus compliqué, c’est quand on rentre dans un sexisme qui est un peu plus difficile à percevoir et qui s’appelle sexisme ambivalent. Il est moins visible parce qu’il est complètement banalisé. Il est à la fois, bienveillant, il n’y a pas de mauvaise volonté, c’est un peu paternaliste. Et en même temps, il y a inconsciemment, quelque chose de l’ordre de : « Les femmes sont des petites choses, elles sont inférieures, il faut les protéger ». Mais le sexisme ambivalent dans les entreprises concerne aussi les compliments sur le physique, les petits surnoms, les blagues, l’humour et la répartition des tâches. Mais pas seulement, il y a aussi le « mansplaining ». C’est quand un homme explique à une femme son travail ou ce qu’elle sait déjà.

Mais d’où vient le sexisme ?

Le sexisme provient des stéréotypes que l’on nous apprend dans notre éducation, les livres, les films, les jouets, les noms de métiers, le langage. C’est très ancré en nous. Ce n’est même pas volontaire. C’est inconscient. Et ça, c’est mauvais pour tout le monde parce que ça colle des étiquettes.

De façon très simplifiée, les stéréotypes de genre, c’est-à-dire des croyances que l’on a inconsciemment, on les a intégrés et on les partage. Ce sont des croyances sur le fait qu’il y a des comportements qui sont liés au genre et au sexe d’une personne. Les stéréotypes de genre, c’est le fait de croire que les filles sont comme ça et les hommes et les garçons sont comme ça.

Les filles sont calmes, sensibles, émotives et les hommes sont violents, ambitieux, forts. Quand on resserre au niveau du travail, moi, je prends une métaphore, je parle Du sac à dos. J’explique qu’on a un sac à dos et dans le sac à dos des petites filles, on met plutôt des stéréotypes du style empathique, à l’écoute, sensible, généreuse, douce, émotive. Et dans le sac à dos des petits garçons, on attendait de lui qui soit intelligent, volontaire, audacieux et combatif. 

Selon le rapport du Haut Conseil à l’Égalité, 74% des femmes n’ont jamais envisagé de carrière dans les domaines scientifiques ou techniques. Selon vous, le sexisme bloque-t-il certaines femmes à se diriger vers certains domaines ?

Dès le plus jeune âge et à l’école, il y a d’autres stéréotypes qui se développent et qui peuvent avoir une influence sur le choix d’orientation des filles et des garçons. Moi, par exemple, pendant des années, quand j’étais petite, j’entendais que les filles étaient nulles en maths et qu’elles étaient bonnes dans les matières littéraires. Ça a fait des générations et des générations de femmes qui sont pas allés sur les études scientifiques et sur les études scientifiques. Tout cela influence les femmes sur leur choix d’étude.

ll faut dire aux petites filles et aux petits garçons qu’ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent. Ce n’est pas parce que tu es un garçon que tu vas être fort en sciences et une fille que tu vas être forte dans les langues, on s’en fout.

Il y a des secteurs qui sont extrêmement genrés, où on ne voit pas de femmes. Pour changer ce tournant, il y a différents moyens. Il y a des femmes qui vont témoigner auprès des écoles pour parler de leur métier. On essaie de mettre les métiers au féminin aussi. Par exemple, c’est important de parler des conductrices et des conducteurs d’engins. Il faut essayer de changer les représentations.

D’où provient l’écart de salaire entre celui d’un homme et celui d’une femme qui exerce le même travail ?

ll y a plein d’explications possibles. Une des plus fortes, c’est le fait que les femmes n’ont pas bien négocié au moment où elles ont été embauchées ou alors elles n’ont pas négocié du tout. Cet écart peut aussi provenir du fait qu’elles n’ont jamais demandé d’augmentation depuis qu’elles sont dans leur entreprise et qu’elles n’ont jamais été augmentées. Ou alors, elles l’ont demandé mais elles ne l’ont jamais obtenue.

Vos dernières actualités