Interview. Mélissa Cartier : « Si la dark romance ça plaît autant, c’est aussi parce que ça sort de l’ordinaire »

Portrait de Mélissa Cartier. @ M.A.
La dark romance, traduite par "romance sombre", est un sous-genre de la littérature romantique contemporaine. Apparue dans les années 2010 et devenue très populaire dans les années 2020, elle explore des thèmes soulevant des questions éthiques et morales. Plongez dans l'univers énigmatique de la dark romance en compagnie de Mélissa Cartier, vendeuse passionnée de la librairie Comptoir du Rêve Romantasy à Toulouse. Dans cette interview, elle nous ouvre les portes d'un monde où la dark romance captive autant qu’elle questionne.

Comment décririez-vous la dark romance ?

Selon moi, il y a plusieurs définitions : il y a la dark romance et il y a l’esthétique dark romance. La dark romance complète plusieurs critères, il y a la violence, qu’elle soit morale, physique ou orale. Mais c’est surtout qu’il y a une psychologie du personnage qui n’est pas travaillée dans certains des livres dark romance. Souvent, ce sont les trigger warnings “violence”, “arme”, “sexe” qui définissent le livre de dark romance ou non. On peut prendre l’exemple des romans Captive de Sarah Rivens qui pour moi, même s’ils sont décrits comme dark romance ils restent uniquement une esthétique dark romance. Si on utilise un baromètre de la violence, dans ce livre elle reste quand même très légère. Par contre, la construction du personnage principal n’est pas énorme, il n’a pas de construction. Contrairement à des livres comme Borderline de Joyce Kitten, où il y a une réelle évolution du personnage. Il y a aussi les Boston Belles de L. J. Shen où l’on suit quatre personnages différents, dans de la mafia et on a quand même une évolution du personnage, le pourquoi du comment ils sont comme ça. Selon moi, il y a davantage d’esthétique de la dark romance que de dark romance à proprement parler.

À titre personnel, qu’est-ce qui vous attire dans le genre dark romance ?

J’aime beaucoup la dark romance mais je considère qu’il y a des bons et des moins bons romans. Je n’aime pas Captive de Sarah Rivens par exemple. Au contraire, j’apprécie énormément la plume de l’autrice très controversée Sarah West. J’aime énormément le contexte qu’elle a de décrire ses personnages et la psychologie qu’il y a derrière. Il y a toujours une construction très poussée de pourquoi ils sont comme ça, qu’on ne retrouve pas dans beaucoup d’esthétique dark romance. Souvent, c’est mettre de la violence, pour mettre de la violence et ce n’est pas très intéressant.

En quoi la dark romance se différencie-t-elle des autres genres romantiques?

Dans le genre romance on est beaucoup plus dans des histoires douces avec des problématiques sociétales des jeunes ou des moins jeunes, entre 18 et 30 ans. Mais ce sera toujours adapté au lecteur. Souvent, il n’y aura pas de trigger warnings parce que ça va être dit de façon beaucoup plus subtile. Par exemple, Jamais Plus de Colleen Hoover est en romance et pourtant il aborde les violences conjugales. Il y a aussi le très populaire Pourvu qu’on ne s’aime jamais de Dahlia Blake où l’on parle de viol, mais en fin de compte ça ne fait pas toute la personnalité du personnage, il y a quand même quelque chose qui se passe derrière. Il est traumatisé, certes, mais il a une vie à côté, il arrive à se reconstruire. Le fait que ce soit une victime ne fait pas tout le livre. Il y a des passages qui peuvent être extrêmement drôles, mais par contre on comprend que le personnage ne va pas bien, ça reste une romance, ce n’est pas une dark romance. C’est plus de la sensibilisation. Des jeunes filles peuvent se retrouver dedans. En fin de compte, on peut dire que la romance se qualifie davantage dans la vraie vie. La dark romance est surtout de l’ordre du fantasme.

Comment gérez-vous cela en tant que libraire ?

Souvent, on essaye de voir l’âge, on ne recommande pas la dark romance si la personne n’a pas 17 ans minimum. On essaye aussi de parler aux parents lorsqu’ils sont là. On leur demande s’ils sont au courant qu’il y a des scènes sexuellement explicites avec de la violence, du sang, des drogues. Souvent, ils tombent des nues et nous disent qu’ils ne savaient pas. Donc on les redirige vers une lecture plus adaptée à leur enfant. Ou alors, des fois, ils s’en fichent et achètent le livre. En tant que vendeur, on n’a pas le droit d’interdire à la vente un livre, par contre on se donne un devoir moral de ne pas vendre à n’importe qui non plus. À cet âge-là, on peut très vite être traumatisé et on peut très vite déclencher des systèmes de traumatismes. Souvent, les jeunes qui veulent lire ces livres pensent vraiment que c’est juste une question de maturité, alors que c’est surtout une maturité du cerveau dans le sens où il peut être choqué par certaines scènes et ce n’est pas ce que l’on recherche. Ce sont des lectures plaisir adaptées à un certain âge.

Y a-t-il des auteurs de dark romance que vous boycottez dans votre librairie ?

Il n’y a pas de « boycott », mais il y a des auteurs choisis. Par exemple, on a un seul livre de Sarah West puisqu’elle fait de l’auto-édition. Elle sait que si elle ne fonctionne pas comme cela, certaines maisons d’éditions vont la choisir et elle ne veut pas. Ses romans sont trop « trash » et pas adaptés à tout le monde.

On est dans un monde où l’on est de plus en plus sensibilisé sur les questions de violences, pensez-vous que la dark romance continuera de gagner en popularité à l’avenir ?

Ça va être très cru ce que je vais dire, mais on s’est malheureusement habitués à la pornographie sur internet avec des catégories toujours de plus en plus violentes et c’est rentré dans les moeurs. Si la dark romance ça plaît autant, c’est aussi parce que ça sort de l’ordinaire. Je pense que c’est un style qui va rester et à titre personnel, je suis pour qu’on lise de tout. On regarde bien de tout, donc on peut lire de tout, mais toujours à un âge adapté. 

Vos dernières actualités