Pouvons-nous choisir notre mort ? C’est une question qui est au cœur du débat sur la fin de vie dans notre pays. Suite à la pression de plusieurs associations militantes et de fortes attentes dans l’opinion publique, Emmanuel Macron a annoncé en décembre dernier le lancement de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Cette assemblée se compose de 185 citoyens tirés au sort qui vont devoir, pendant quatre mois, se pencher sur la question du droit à mourir en France. En parallèle, l’exécutif a lancé des consultations auprès des parlementaires, de professionnels de santé et de Français qui s’intéressent à ce sujet.
L’Elysée espère avoir un « débat ordonné, serein et éclairé », qui pourrait aboutir à une loi avant la fin de l’année. Avec ce sujet clivant, l’opération s’annonce assez délicate. D’un côté, il y a les militants d’une mort “choisie” et les partisans d’une mort “naturelle” qui prônent un meilleur accompagnement en soins palliatifs. Le débat ressurgit régulièrement notamment ces dernières années avec plusieurs faits de société.
Succession d’événements et pression politique
Le président de la République et son gouvernement se sont toujours montrés plutôt discrets sur ces questions avec seulement une relance du plan de développement des soins palliatifs. plusieurs événements viennent questionner le modèle français. Pourtant, une multitude d’événements vient questionner le modèle français. Un cas particulier vient bousculer l’opinion publique. En 2019, et après des années de combat ou “d’acharnement thérapeutique” pour certains, Vincent Lambert s’éteint. L’homme avait eu un accident en 2008 qui l’avait rendu totalement handicapé. Ses parents s’opposent alors catégoriquement à un arrêt des soins. Sa femme, elle, affirme que son époux, infirmier, n’aurait jamais accepté que l’on s’acharne sur lui. Après des années de recours et de déboires médiatiques, le docteur Sanchez interrompt la nutrition et l’hydratation artificielles de celui qui est devenu le symbole du débat sur la fin de vie en France. L’année dernière, l’Espagne est devenu le sixième pays qui légalise le droit à choisir sa mort.
Avec cette succession de faits, la pression politique est montée avec l’examen à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi “pour le droit à une fin de vie libre et choisie”. Malgré un large soutien des députés y compris ceux de la majorité, le texte n’a pas pu être voté, faute de temps. Bousculé par son propre camp, le chef de l’Etat s’est donc résolu à débattre “de manière approfondie” de ce sujet, selon l’Elysée.
“Je milite pour le droit de choisir sa propre fin de vie”
Jonathan Denis, président de l’ADMD, l’association pour le droit à mourir dans la dignité, affirme que “la société est prête, bien plus que nos politiques”. Les sondages sont clairs, les Français sont environ neuf sur dix à être favorables au droit de choisir sa fin de vie. “Je me souviens d’un sondage du journal La Croix qui n’est quand même pas spécialement favorable au combat que nous menons, qui disait que 89 % des Français étaient favorables. Mais ça ne veut pas dire que demain tous les Français vont demander une euthanasie, ça veut simplement dire que tous les Français ont compris que dans le cadre de la fin de vie, il fallait une liberté de choix, une loi qui respecte toutes les consciences sans juger personne et c’est cela que nous demandons”, explique le jeune président de l’association.
L’ADMD n’est pas uniquement une association militante mais aussi une association d’entraide et de solidarité. « On a une ligne d’écoute qui reçoit des appels de nos adhérents ou non-adhérents pour évoquer leur cas ou celui d’un proche », indique Jonathan Denis qui ajoute que « aujourd’hui, des personnes sont obligées de s’exiler en Belgique ou en Suisse pour partir dignement mais ça coûte plus de 10000 euros« . Le président de l’ADMD évoque ces « inégalités territoriales et financières » et espère que cette loi sera votée cette année. Jonathan Denis indique que son association « traite de plus en plus de demandes, de plus en plus d’appels, de plus en plus de cris d’alarme. Et on demande aujourd’hui à nos parlementaires de ne plus fermer les yeux sur ces situations« , conclut celui qui préside l’association.
Que dit la loi pour l’instant ?
Il faut d’abord noter ce qui est interdit. La loi de 2016, dite loi Claeys-Leonetti, du nom de ses auteurs, interdit l’euthanasie et le suicide assisté. Mais, elle permet ce qu’on appelle la « sédation profonde et continue » jusqu’à la mort pour les personnes malades en phase terminale et en “très grande souffrance” quand leur pronostic vital est engagé à court terme. Concrètement, le patient est endormi et les médecins stoppent les traitements et les antidouleurs administrés ainsi que les soins palliatifs.
La loi actuelle prévoit aussi l’arrêt des traitements contre l’acharnement thérapeutique, appelé aussi “obstination déraisonnable”. Le patient peut demander au personnel soignant de tout arrêter. S’il n’arrive pas à s’exprimer, un groupement de médecins peut prendre la décision. Il faut aussi noter que chaque personne peut remplir un document daté et signé, disponible sur le ministère de la Santé, sur sa volonté de poursuivre ou non les actes médicaux.
Mais alors, se dirige-t-on vraiment vers une nouvelle loi ? Le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) a estimé, en septembre dernier, qu’il existait « une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir« en France, « à certaines conditions strictes ». Ses membres ont mis en évidence certaines limites du cadre actuel, qui ne permet pas toujours de lutter contre les souffrances des patients, notamment ceux dont le pronostic vital n’est engagé qu’à moyen terme, soit quelques semaines ou mois.