Le prix a été plus que doublé. En l’espace de 20 ans, le paquet de cigarettes est passé de 4.10€ en 2003 à 10,15€ en 2022. Dès le mois de mars 2023 prochain, son prix sera de 10,65 € en moyenne. Et malheureusement, les chiffres concernant la consommation, eux, n’ont pas diminué tant que ça. La France comptait 13,5 millions de fumeurs quotidiens fin 2003. Aujourd’hui, bien que le chiffre de fumeurs soit estimé à 15 millions, le nombre ayant une consommation régulière n’est que de 12 millions selon les chiffres de Santé Publique France publiés en fin 2022. Et les jeunes Français sont beaucoup à être addictes. Parmi les 20-25, 48% d’entre eux fument.
Quand on pose la question aux étudiants et jeunes actifs, ils sont pourtant confiants : la nouvelle génération fume moins que l’ancienne. « De loin ! », affirme Alexia, étudiante de 24 ans. « Avec les différentes augmentations, c’est sûr que les jeunes fument moins. En plus, l’ancienne génération est connue pour avoir toujours fumé parce qu’ils étaient moins conscients des dangers », ajoute-t-elle. Alors, en effet, la cigarette traditionnelle se perd. Mais les jeunes ne fument pas moins pour autant. Ce sont seulement les méthodes de fumer qui ont évolué et qui donnent l’impression que les jeunes fument moins. « Je pense qu’on le remarque juste moins », analyse Inès, autre étudiante de 20 ans.
Du point de vue des jeunes
Au-delà des statistiques, la rédaction du 24heures a rencontré des jeunes toulousains pour en savoir plus sur leurs habitudes. Concernant leur consommation, ils oscillent entre un paquet par jour (considéré comme gros fumeur selon eux) et un paquet tous les deux à trois jours (pour les moins « accros »). Quand certains ont pris leur première cigarette à 12 ans, d’autres ont commencé leur consommation régulière vers la seconde, à 15 ans. « Moi j’ai commencé à fumer quand j’avais 15 ans, aujourd’hui j’en ai 21. Ça fait 6 ans à un paquet par jour quand même », raconte Clara, jeune active. Pour rappel, l’âge d’initiation au tabac en France est de 13-14 ans selon l’enquête Escapad de l’OFDT.
Un élément en particulier est ressorti de ces différentes interviews : les fumeurs restent entre fumeurs.« Dans mon cercle d’amis, je dirais que les ¾ sont fumeurs », « je dirais plus de la moitié de mes connaissances fume », ou encore « littéralement tout mon entourage ». Fumer a toujours été un signe d’appartenance, qu’il soit social ou de groupe. Et les jeunes semblent le perpétuer.
Du point de vue des buralistes
Premiers au contact des fumeurs, ils ont une vue directe sur la consommation de tabac des jeunes. L’avis des buralistes toulousains est assez mitigé. L’Occitanie est l’une des régions les plus fumeuses de France avec environ 28.5% de prévalence du tabagisme parmi les 18-75 ans selon Santé Publique France. À Toulouse, les tabacs s’accordent à dire qu’il y a une forte clientèle jeune. « Tout dépend de la position. Un tabac du centre va évidemment plus voir de jeunes affluer qu’un tabac excentré ou de périphérie. Mais oui, on remarque tous que beaucoup de jeunes achètent du tabac. Et on est obligé de faire d’autant plus attention à l’âge avec les mineurs ! », assure Max, travaillant au Tabac Les Thermes.
Ils expliquent cette affluence par des nouvelles offres proposées, directement à l’attention des jeunes. « Depuis qu’on a ces nouveaux produits attractifs, beaucoup de nouveaux jeunes ont franchi nos portes », ajoute-t-il. Selon Sandra, gérante du tabac situé rue du Férétra sur le secteur Empalot, 6 entrants sur 10 venant pour acheter des cigarettes ou autres sont des jeunes.
Les nouvelles façons de fumer
En 2021, les adolescents ayant déjà gouté la cigarette (celle de tabac) étaient 29.1%. Une baisse significative par rapport à 2018 où il s’agissait de 37.5%, ou encore 52% en 2010. Mais le nombre de fumeurs tous types confondus, lui, ne baisse pas en partie à cause des cigarettes électroniques. En 2020, un lycéen sur deux (54%) l’avait déjà essayé selon une étude menée à Saint-Étienne.
Elles prennent de nouvelles formes, sont colorées, aux goûts tantôt fruités, tantôt frais. Ce sont les tristement célèbres « Puffs » (ou autres marques comme Vuse, Vaze ou Ezee) . En vente dans tous vos bureaux de tabac, ces cigarettes électroniques jetables sont également trouvables en grande surface ou d’autres magasins, comme le précise Mabrouk Nekaa, le directeur du département des sciences de l’éducation à l’université Jean-Monnet dans une interview à FranceBleu.
Cet engouement a inquiété les Français tout au long de l’année 2022, et ça ne risque pas de s’arrêter là. D’après la dernière étude menée par l’association Alliance Contre le Tabac, 28 % des adolescents de 13 à 16 ans ont commencé leur initiation à la nicotine avec la Puff. Pour l’institut Pierre Fabre de Tabacologie, TAGAGORA, il y a une possible relation entre l’initiation aux produits du vapotage et l’entrée dans la consommation ultérieure de tabac ainsi que le développement d’une addiction à la nicotine.
D’autres « nouvelles » façons de fumer sont apparues ces dernières années. Et la plus connue d’entre toutes c’est le CBD. Connu pour ses effets contre le stress, les insomnies ou encore la douleur, il séduit les jeunes depuis la crise du Covid. Depuis 2019, l’OMS a jugé qu’il ne provoquait pas de dépendance et ne l’a pas reconnu comme un stupéfiant.
Un manque d’intention d’arrêter
Les fumeurs ont tous différents profils, c’est connu. La marque préférée, le nombre de cigarettes par jour, les années de tabagie, mais aussi l’intention d’arrêter ou non. Un fumeur avec la volonté d’arrêter est un intentionniste. En France, on retrouve environ 5-6 millions d’intentionnistes sur les 15 millions de fumeurs selon Delphine Deyzac, directrice marketing global au sein des laboratoires Pierre Fabre.
Les différentes raisons qui les poussent sont les problèmes de santé (touchant en particulier les gens de plus de 50 ans), l’arrivée d’un nouveau-né, la pression familiale (souvent de la part des enfants vers les parents) ou encore l’argent. « Parmi toutes ces raisons, il n’y a que l’argent qui concerne vraiment chez les jeunes. C’est pour ça qu’on a très peu d’intentionnistes dans la tranche 18-25. », analyse Delphine Deyzac. « Dans mes gammes, j’ai du sevrage tabagique. Les jeunes n’en consomment pas beaucoup. C’est une cible qu’on retrouve assez peu », ajoute-t-elle. Ceux souhaitant arrêter de fumer s’orientent davantage vers la cigarette électronique. C’est le cas de Marine, étudiante de 24 ans : « Je suis passée par la cigarette électronique pendant longtemps. Malheureusement ça n’a pas marché. Mais maintenant je l’utilise en complément et ça me permet de réduire un peu ma consommation ».