“Maëva est une personne normale”, répète Annie, sa maman, pendant que de l’autre côté du comptoir sa fille prépare une Pina Colada. Sourire aux lèvres, la jeune femme, atteinte de la Trisomie 21, souhaite devenir barmaid et est à la recherche d’une alternance sur Toulouse afin de réaliser son rêve.
Dotée de la même joie de vivre, c’est d’humeur radieuse que Caroline affronte la pluie toulousaine après la sortie de ses cours. Atteinte d’une malformation aux bras, l’étudiante en droit à la Fac du Capitole a rejoint la Ville rose avec pour objectif de devenir juge. Deux femmes aux parcours diamétralement similaires qui doivent se battre contre des problématiques différentes.
La scolarité et l’insertion vers le monde professionnel
18 CV déposés depuis le début de l’année, et pourtant, toujours aucune réponse pour Maëva, étudiante en lycée hôtelier depuis 3 ans. À 22 ans, elle est à la recherche d’une alternance dans un bar afin de pouvoir suivre une formation complémentaire. Un contrat en apprentissage absolument nécessaire pour qu’elle puisse continuer ces études déjà semées d’embuches.
Depuis 2017, Maeva suit des études dans le domaine de l’hôtellerie. Elle est d’ailleurs la première élève atteinte de trisomie à entrer au Lycée Occitanie de Toulouse. Un premier pas vers ce que sa mère Annie présente comme “le monde ordinaire”. L’aventure commence donc ici pour Maeva qui choisit d’effectuer un CAP Commercialisation et Services en hôtel-café-brasserie-restaurant. Là, elle continue son apprentissage avec différents stages dans des hôtels, restaurants et même dans la cantine de son lycée. Tout semble fonctionner comme il faut dans ce cursus mais pourtant, le parcours de Maeva n’est pas si rose. En effet, avec son handicap, le lycée ne lui permet pas de suivre les matières comme ses camarades et ses amis.
“Ce n’est pas avec un diplôme que les gens vont la regarder autrement”
Annie, mère de Maëva.
Résultat des courses, en 3 ans passés dans l’établissement, de 2017 à 2020, elle n’a validé que la partie service et restauration. Un cursus ralenti et pas à pas, sous le regard de personnes parfois malintentionnées : “ Il m’est arrivé une fois que l’un des professeurs du lycée de Maeva me dise que ma fille n’est pas capable de faire comme les autres.” Des remarques pas toujours agréables et un manque d’adaptabilité, qui obligent alors Maeva à continuer ses études dans un autre établissement. La jeune femme doit alors quitter ces copines et commencer une nouvelle page de sa formation au CFA de Blagnac, dans lequel elle effectue le même CAP afin d’en valider la partie “hôtel”. Mais là encore, le cursus n’est pas le même et les épreuves ne sont pas adaptées. Habituellement, Maeva est accompagnée d’une auxiliaire de vie sociale. Problème, lors de ses épreuves, elle est accompagnée d’une personne qu’elle n’a jamais vue. Une perte de repères pour la jeune femme qui n’est pas mise dans les meilleures conditions.
Depuis la rentrée de janvier et le début de son second semestre, Caroline est ravie. L’étudiante en Droit à la FAC du Capitole de Toulouse bénéficie désormais d’une chaise adaptée afin de pouvoir écrire ses cours sur son ordinateur. “Avant, j’écrivais par terre, ce n’est pas le plus pratique”, détaille la jeune femme qui est contrainte d’utiliser ses pieds pour taper sur son clavier. Originaire du Tarn, la jeune femme qui a obtenu son permis de conduire en juillet 2022, a bénéficié d’un énorme élan de solidarité afin d’obtenir sa première voiture.
“Je voulais cette voiture, j’ai toujours dit que j’en voulais une. Je voulais pouvoir conduire, je voulais mon indépendance”, assure-t-elle. Pour financer l’aménagement de sa Renault Clio, voiture achetée intégralement par ses parents, une cagnotte en ligne a été mise en place et a rencontré un franc succès. “La cagnotte a bien marché. On a reçu beaucoup plus de chèques par La Poste, car c’était beaucoup de personnes âgées qui participaient, confie Caroline. J’ai été étonnée, ma famille et moi, on ne s’y attendait pas. Je me demandais si j’allais l’avoir cette voiture, ou pas. Au fur et à mesure, on se disait qu’on allait réussir à la financer”.
Cependant, la jeune labruguiéroise appréhende le moment où elle devra rechercher un stage, lors de sa troisième année d’études. Il y a quelques années, à Castres, Caroline avait participé à une journée pour l’inclusion des personnes en situation de handicap appelée DuoDay. “J’avais passé la journée avec un député, qui était un ancien avocat. Il m’avait dit que si j’avais besoin d’un stage, un jour, je pourrais faire appel à lui”, sourit celle qui avait déjà effectué un stage de 3ème chez un avocat, pleine d’espoir. Avant cela, Caroline espère pouvoir trouver un job pour l’été prochain, mais en mesure la difficulté. “Ça va être compliqué. Les jobs proposés sont des choses comme caissière. La seule chose que je pourrais faire serait dans l’administratif, mais il faut des diplômes”, même si “la voiture va pouvoir m’aider à trouver un job”, espère-t-elle.
Un accompagnement dans la vie de tous les jours
Depuis 2 ans, Caroline est accompagnée d’Ozzy, un chien qui l’aide au quotidien et dont la présence au quotidien à Toulouse joue beaucoup. “Il m’aide pour ramasser les choses dans la rue, chose que je ne peux pas faire quand je suis seule. Il m’aide avec les chaussures à fermeture-éclair, il monte et descend la fermeture. On a accroché un petit scoubidou et il tire. Il m’aide aussi pour mettre le manteau aussi. Je mets un côté et lui, il met l’autre.” Ozzy l’accompagne également à la FAC. “Je le prends quasiment partout, à part quand je vais faire les boutiques, par exemple. En général, je le prends pour tous les cours, même s’il dort dans les escaliers, rigole-t-elle. Parfois, je ne le prends pas de la semaine, car il faut qu’il ait une balade sans laisse, où il puisse courir. À Toulouse, ce n’est pas possible.”
C’est donc un nouveau départ pour Caroline depuis ces derniers mois, avec sa nouvelle vie à Toulouse et sa voiture flambant neuve. Cette dernière reste cependant dans le Tarn et dans le garage familliale, la semaine. “Ici, à Toulouse, je n’en ai pas besoin vu que je suis en centre-ville. C’est assez risqué vu qu’il n’y a pas de parking, ce n’est pas protégé”, explique la jeune femme. “Je l’utilise plutôt pour les week-ends. C’est une grande indépendance, car là où j’habite, ce n’est pas du tout desservi, le bus est à une heure de marche. Avant, j’étais dépendante de mes parents, ce n’était pas le top”, confie celle qui rentre tous les week-ends voir ses parents. “Désormais, je peux aller voir mes amis comme je veux, je peux aller faire les soldes, mais également voir la famille avec la voiture.”
La voiture justement, c’est un rêve pour Maeva. A Toulouse, il existe deux auto-écoles pour les personnes atteintes de handicap. Maeva est inscrite dans l’une d’elles et tout ne se passe pas comme prévu. Elle fait tout le temps les mêmes leçons et n’a pas l’impression d’avancer. Un frein dans son évolution qu’elle veut dans un “monde ordinaire”.
Puisque tout au long de sa vie, Maeva a été intégrée au “monde normal” comme le répète sa maman. L’exemple le plus frappant, c’est lorsqu’à l’âge de 9 mois, elle commence la natation. Une prouesse pour le commun des mortels mais une activité normale pour sa mère Annie : “C’est une manière de la stimuler de façon constante.”
Son frère et sa sœur sont aussi des éléments principaux dans sa vie. Grâce à eux, elle a pu partir faire du ski ou encore faire des colonies de vacances avec des personnes valides. Un accompagnement au quotidien qui se manifeste avec sa nouvelle passion pour les cocktails, qu’elle partage avec sa sœur. Grâce à eux, Maeva peut prendre conscience qu’elle peut être capable et faire comme tout le monde.
Un motif d’espoir pour Maeva qui continue sa quête vers l’apprentissage pour devenir barmaid. Un pas en plus vers l’autonomie, pour Maeva qui rêve maintenant d’avoir un appartement. Malheureusement, pour les personnes atteintes de Trisomie, tout leur est pris et il est alors compliqué de pouvoir évoluer dans un environnement normal et surtout libre. Affaire à suivre…
avec Gwendal Thoraval