Jeunes engagés : la peur de s’afficher

Allées de l'université Toulouse Jean-Jaurès

À l’approche des élections présidentielles, certains dissimulent leurs appartenances politiques. Non pas par pudeur, mais par peur. Plus particulièrement à l’université, milieu très politisé, où la dictature de “l’effet de groupe” est toute-puissante.

Depuis les élections présidentielles de 2017, l’abstention et le désintérêt atteignent des records chez les jeunes de 18 à 25 ans. 34 % au second tour de 2017, et un pic historique aux élections départementales et régionales de juin 2021 puisque deux jeunes sur trois ont déserté les urnes au premier tour (87 %). Alors quand certains jeunes, s’intéressent, voire s’impliquent en politique, cela devrait être une bonne nouvelle. Et bien pas tellement, car un problème de taille s’ajoute à l’équation : la peur du rejet et du jugement

L’université : moteur et frein pour l’engagement

L’université est le berceau de la pensée politique. C’est un environnement social très politisé, où on trouve des associations, des assemblées générales, de la documentation… Tant de points d’accès qui forgent petit à petit, une appartenance, des opinions. Léo, étudiant en médecine à l’université Paul Sabatier, constate : « en 2017, j’étais pro-gauche. Le problème, c’est qu’à part penser comme mes parents professeurs, je ne faisais pas grand-chose. Au fur et à mesure de mon cursus, j’ai rencontré des gens à la fac, je me suis intéressé aux débats et aux intérêts de mon futur métier. Ça m’a complètement fait virer de bord”. À Toulouse, des tendances se démarquent en fonction des universités. La fac de droit du Capitole intègre des étudiants plutôt de droite. L’université Jean-Jaurès, où l’on étudie les lettres, l’art et les sciences humaines s’affiche à gauche (voire extrême gauche). Tandis que la fac de science à Paul Sabatier est plus neutre, plus cosmopolite. 

Évidemment, au sein de ces établissements, tout n’est pas immuable, il y a des exceptions. Il y a une communauté bruyante, une majorité silencieuse, et des exceptions qui se dissimulent. Car afficher une opinion à l’opposé de la majorité, peut être source de discriminations« Je m’intéresse à la politique et j’aimerais aller dans des associations pour m’engager, mais je préfère me taire parce que, soutenir Macron au Mirail, c’est très mal vu et les gens de ma promo vont me juger” regrette Chloé, étudiante en 3e année de psychologie à l’université Jean Jaurès. Certains préfèrent donc taire leur appartenance, pour pouvoir s’intégrer. Chloé ajoute « soit on rentre dans le moule, soit on se tait”.

Affiche placardé dans l'université Toulouse Jean-Jaurès
Affiche placardée dans les allées de l’université Toulouse Jean-Jaurès – ©Eliot Poudensan

“Mourir pour mes idées ? Non merci”

Terrence, étudiant en première année d’histoire à Jean-Jaurès, est engagé avec Les Jeunes Républicains. Pour répondre à mes questions, il préfère s’isoler pour que : « mes camarades n’entendent pas”. À son arrivée à l’université pour ses études, il cherche des associations républicaines dans les couloirs de la fac, à sa grande surprise, il n’en trouve pas. Puis il comprend vite pourquoi : “Ici, on n’aime pas les gens de droite. Une fois, j’ai vu un étudiant, pro-Zemmour, se faire taper et harceler, juste parce qu’il disait qu’il voulait voter pour lui”.  Ses amis lui conseillent de ne pas faire de vague, et il admire secrètement ceux qui affichent publiquement leur appartenance : il faut être très courageux”.

Terrence, étudiant en histoire, constate une « dictature des convictions »

Léo, l’étudiant en médecine, fait du phoning pour le parti Reconquête, il aimerait passer à l’étape supérieure, mais pas si le risque est trop grand “J’aimerais faire du tractage, du porte-à-porte et aller coller des affiches, mais est ce que le jeu en vaut la chandelle ? J’ai des collègues chez la Génération Z, qui se sont fait menacer de mort pour avoir placardé des affiches à Jean-Jaurès. Juste pour des pensées différentes… On est plus à l’époque du IIIe Reich, mourir pour mes idées ? Non merci !. Et cette peur, d’afficher ses opinions ne se cantonne pas qu’aux étudiants de l’université du Mirail. “Au capitole, il ne vaut mieux pas dire trop fort qu’on aime Mélenchon, sinon on se fait insulter de communiste ou de hippie souffle Jeanne, étudiante à TSM. Léo, membre de la génération Z, ajoute : “Même en médecine, je n’affiche pas mon soutien à Eric Zemmour, les gens me prendraient pour un facho sans chercher à comprendre. Et quand je participe à des événements, je ne mets rien sur les réseaux sociaux, au cas où…”

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