Restrictions successives, communications tardives, depuis fin 2021, les salles de concerts et les artistes vivent au fil des annonces gouvernementales. Entre adaptation et survie, deux acteurs du secteur témoignent.
Depuis le conseil de défense du 20 janvier, le Premier ministre Jean Castex a établi un nouvel agenda de levé des restrictions. Concernant les concerts, les jauges sont supprimées depuis le mercredi 2 février 2022, tant que le public reste assis. Les représentations debout ainsi que les consommations sur place, quant à elles, ne reprendront que le mercredi 16 février. Un assouplissement en deux temps donc, qu’Aurélie Hannedouche, déléguée générale du Syndicat des musiques actuelles, a d’ailleurs tenu à saluer, se déclarant « soulagée » sur France infos. Cependant, la représentante a également fait part de sa « plus grande incompréhension » face aux décisions de calendrier progressif, estimant qu’il n’y avait « pas de raisons objectives et fondées scientifiquement sur le fait que les concerts debout seraient plus dangereux que les concerts assis ». De leurs côtés, les professionnels du secteur, témoignent d’une grande difficulté à s’adapter à des changements aussi soudains que fréquents.
”C’est notre deuxième report, en tant qu’association, c’est compliqué d’avancer”
Alexandre Checcarelli, responsable de l’association de concerts et spectacles CheccTheFlow, a notamment vu sa dernière date toulousaine annulée. Cette dernière devait se dérouler le 26 janvier dernier à « L’usine à musique« , après une première annulation au même endroit, un mois au paravant. Une situation délicate, qui a placé sa structure dans une période de fragilité. “C’est notre deuxième report, en tant qu’association, c’est compliqué. On souffre d’autant plus de la situation qu’on ne possède pas d’aides. Ça rend les possibilités de développement pour notre structure encore plus complexes. Je pense que beaucoup d’associations vont fermer après cette crise”, décrit le responsable.
En causes principales de ces annulations, le fait que les représentations dites « de mouvements » ne puissent s’aligner avec les restrictions sanitaires. “On fait du Hip-Hop, de la danse, des concerts aux paroles fédératrices, donc ça bouge oui. Je ne peux pas en vouloir à certaines salles d’annuler. Faire moitié jauge assis, c’est aussi déplaisant artistiquement pour nous, que déplaisant financièrement pour eux”, admet Alexandre Checcarelli.
Cependant, après des discussions et des partenaires fidèles, le collectif de treize membres a réussi à obtenir une nouvelle disponibilité pour l’année 2022 à L’usine à musique. Leur prochaine date est annoncée pour la réouverture à l’Urban Lab le 17 février.
« On a été prévenu trois jours avant l’annonce de report”
Du côté des salles accueillant les événements, les difficultés d’organisation sont similaires. Simon Labrou, responsable à « L’usine à musique » décrit un vrai souci d’anticipation. “Les concerts debout reportés au 16 février, ça nous a déjà pas mal ralentis. On a été prévenu trois jours avant ce report, s’adapter c’est un casse-tête. On travaille avec des pays de toute la planète, normalement il nous faut au moins six mois de visibilité pour être efficace. Là, c’est impossible, j’ai déjà eu à faire à des annulations cinq fois de suite. Tout le monde se retrouve sur le fait accompli, le flou c’est notre ennemi”, explique le coordinateur.
Financièrement, en tant que salle de catégorie L (similaire aux salles de meeting) , L’usine à musique a conservé le droit de maintenir l’activité de son bar et des répétitions. Une part cependant insuffisante pour assurer la pérennité de la trésorerie. “Actuellement, on est à peine à 10% de revenus moyens. Le bar et les répétitions nous permettent tout juste de payer le loyer commercial. Pour fonctionner et être rentable, la salle a besoin de 70% à 80% de jauge remplie. Même avec l’aide aux chômages partiels, on sent que les robinets se ferment de plus en plus, les conditions pour toucher les aides se durcissent. Je tiens quand même à dire que je n’accuse pas tout en bloc. Evidemment, je ne voudrais pas être à la place du gouvernement pour gérer cette crise”, remarque Simon Labroue.
De plus, la salle regrette que la pandémie incite la culture à favoriser les artistes confirmés aux indépendants et nouvelles têtes. « C’est ce que je regrette le plus. Pendant un temps, on ne va pas avoir d’autres choix que de favoriser les grosses têtes d’affiches aux détriments des plus petits pour assurer la survie des salles, il faudrait un meilleur accompagnement de ces groupes et associations. Vivement que tout reprenne à la normale, la musique, c’est avant tout de la diversité. Malgré tout, j’ai bon espoir, d’ici deux à trois semaines, ça devrait déjà aller mieux“, conclût-il.