[Dossier] Le rapport au travail des jeunes a changé ?

ès avoir enchaîner pendant plus de cinq ans des CDD de huit mois, Clémentine Izard est toulousaine et occupe aujourd'hui le poste de cheffe de service dans une association qui accueille en urgence des migrants mineurs et isolés. Un poste à responsabilité dans lequel elle s'épanouie mais qui lui a demander beaucoup de temps et d'énergie avant d'oser espérer obtenir un travail qui lui correspond vraiment. Malgré une difficulté à se professionnaliser dans le secteur social, Clémentine a mis tout en oeuvre pour espérer parvenir à ses souhaits professionnels.

À la suite d’une enquête, le journal « Le Monde » révèle une évolution du rapport des jeunes au travail. Celle-ci démontre que contrairement à la génération précédente, les 18-35 ans privilégient le choix d’un travail stimulant plutôt qu’un emploi stable et rémunérateur. Afin d’illustrer les résultats de cette enquête, nous avons choisi de réaliser deux témoignages qui confirment le constat de l’étude.

« Heureusement que j’ai eu ce dernier coup de chance, parce que j’étais à deux doigts de tout abandonner », témoigne Clémentine Izard

Après avoir enchaîné pendant plus de cinq ans des CDD de huit mois, Clémentine Izard est toulousaine et occupe aujourd’hui le poste de cheffe de service dans une association qui accueille en urgence des migrants mineurs et isolés. Un poste à responsabilité dans lequel elle s’épanouie mais qui lui a demandé beaucoup de temps et d’énergie avant d’oser espérer obtenir un travail qui lui correspond vraiment. Malgré une difficulté à se professionnaliser dans le secteur social, Clémentine a tout mis en oeuvre pour espérer parvenir à atteindre ses objectifs.

À 27 ans, Clémentine Izard est Toulousaine et occupe un poste à responsabilité dans le secteur social. Elle est cheffe de service au sein d’une association d’accueil d’urgence pour Mineurs Non Accompagnés (MNA) à Montastruc. Remplie d’énergie, elle presse le pas avant de s’asseoir devant son bureau, les mains chargées de son repas du midi. Il est 15 heures et elle s’octroie enfin une pause déjeuner. Ses journées sont rythmées, très rythmées même. Une cadence comparable à celle de son parcours professionnel.

Une détermination à toute épreuve

Dès la fin du lycée, Clémentine Izard fait le choix de continuer les études en réalisant une année de prépa à Toulouse sans réel projet professionnel en tête. Elle décide alors de ne pas la poursuivre et se réoriente en première année de licence d’histoire au Mirail. « Le rythme et l’organisation étaient tellement différents de la prépa. Je ne m’y attendais pas du tout. Le nombre d’étudiants m’effrayait un peu et je remettais en doute mes capacités. Même si les cours me plaisaient, au fond je n’étais pas très stimulée parce que je ne voyais pas vraiment sur quoi ça aller aboutir », explique-t-elle avec un brin de déception. En effet, il arrive que de nombreux étudiants rencontrent des difficultés a s’orienter après le bac. Cela peut à la fois s’expliquer par le manque d’information mais aussi par l’incertitude de quoi choisir. Ils sont donc beaucoup à se réorienter plusieurs fois, pendant de longues années avant de trouver une formation adaptée au métier qu’ils souhaitent faire.

Malgré de nombreuses remises en question durant son année de licence, Clémentine trouve un moyen différent de s’approprier ses études. « Je me suis rapidement remotivée grâce aux petits projets mis en place par la fac. Ils m’ont permis d’aller aider les jeunes en faisant du soutien scolaire. Je faisais ça de façon bénévole et je sentais en quelque sorte un réel intérêt avec ces missions. Ça m’a donné envie de faire plus de choses avec les jeunes du coup j’ai décidé de passer mon BAFA et de partir encadrer des colonies de vacances l’été », affirme Clémentine avec enthousiasme. Elle continue ensuite sa licence, en alliant cours et petits boulots tout en gardant en tête son attrait pour le social. Ses yeux pointés en direction du plafond, elle se remémore : « Je me suis décidée en parallèle à faire un service civique pendant 8 mois et ça a été vraiment une très belle expérience. J’y ai découvert un aspect professionnalisant. Les tâches qui étaient réalisées en milieu associatif étaient également réalisables en tant que professionnel. Mon choix s’affinait peu à peu. », affirme-t-elle.

Doutes et réflexions

À la fin de sa licence la jeune cadre ne se sent pas prête pour faire un master et choisit de faire une licence professionnelle d’un an en intervention sociale. « Pendant cette année là, j’ai été amenée à faire un stage où j’intervenais auprès des jeunes, notamment dans les collèges et lycées afin de les sensibiliser sur l’égalité hommes/femmes », explique Clémentine Izard. « Les missions m’ont vraiment beaucoup plu et ça s’est tellement bien passé que l’on m’a de suite proposé un poste à mi-temps que j’ai choisi d’accepter tout en m’inscrivant en master 1. Mais avec du recul ça été très difficile d’allier les cours et le travail. J’avais le sentiment d’être isolée constamment, de ne pas avoir de moments de déconnexion entre le travail et les études. Je me suis mis beaucoup de pression mais je savais que c’était nécessaire pour avoir plus de connaissance sur le terrain », assume-t-elle. « À la fin de ma première année de master j’ai choisi de faire une pause dans les études et de me consacrer uniquement au travail. Les missions devenaient de plus en plus prenantes, et demandaient de plus en plus d’investissement. Alors je suis restée et on m’a reprolongé de CDD en CDD et cela pendant presque cinq ans », explique-t-elle avec exaspération. Dans le secteur social en France, très rare sont les formations en alternance qui permettent à la fois de réaliser des missions et de jumeler les études supérieures.

Travailler sans évoluer

Cette situation professionnelle ne lui permet donc pas d’obtenir de congé ni même d’augmentation de salaire. Une position qui commence à lui peser sérieusement et qui ne lui permet pas de s’épanouir complètement dans son métier. « Même si les missions me plaisaient toujours, je commençais à en faire le tour. Il me manquait une stabilité financière mais aussi la possibilité d’accéder à des postes supérieurs. Les postes auxquels je souhaitais accéder demandaient automatiquement un bac+5, j’étais alors dans l’incapacité de postuler. J’ai vite compris que ça allait être mon plafond de verre », explique Clémentine Izard. En 2020 c’est le déclencheur. Une mission touche à sa fin, elle n’est pas prolongée. Une aubaine pour la jeune femme qui n’osait pas partir d’elle même de peur de ne rien retrouver de mieux.

Elle entame alors une reprise d’étude en master 2 pour devenir cadre, au moment du confinement. Une étape pas si simple qui lui demande un lourd financement et administratif. Pour autant elle ne se décourage pas. « Malgré beaucoup de stress, j’obtiens mon année, et me lance dans la recherche d’emploi. Mais je ne trouve rien. Personne ne souhaite me prendre et il n’était pas question d’attendre encore longtemps sans trouver alors je me suis fixée une limite d’âge. Si avant la fin de l’année je ne trouvais pas de travail il fallait se faire une raison et abandonner le projet de travail dans le social », affirme-t-elle sur un ton décidé. « Il y a quelques mois, juste après avoir pris cette décision, coup de chance, j’ai été embauché dans l’association dans laquelle je travaille aujourd’hui. Et heureusement, parce que j’étais à deux doigts de tout abandonner », témoigne-t-elle le sourire au lèvre. « C’est bateau mais c’était un peu le destin je crois… » glisse-t-elle.

Avec son parcours, la jeune femme qui gère actuellement le personnel présent dans la structure associative, n’a cessé de prouver sa volonté de privilégier un travail dans lequel elle se complaît plutôt qu’un métier plus facile d’accès.

« C’est bateau mais c’était un peu le destin je crois… »

Clémentine Izard

De l’informatique à la photo

Savoir quoi faire de sa vie est une des questions les plus difficiles que chaque jeunes se posent. Que privilégier entre un métier « stable » ou un métier « passion ». Pour Florian Branchoux la réponse a mis du temps à arriver mais c’est finalement son amour pour la photographie qui a pris l’ascendant. Aujourd’hui en dernière année de BTS photographie à l’ETPA de Toulouse, il compte bien vivre de ses clichés.

Après l’obtention d’un bac scientifique, Florian décide de se diriger vers des études plutôt classiques à l’Université d’Orléans en licence Mathématique et Informatique avec pour objectif de devenir soit professeur de mathématiques soit faire un métier dans l’informatique « c‘est une voie sûre avec du boulot à la clé mais tu passes ta vie sur PC« . Un parcours classique mais une question commence à trotter dans l’esprit du jeune homme : « Ai-je envie de faire 40 ans de ma vie dans un de ses métiers ? ».

Le déclic

C’est un matin de janvier 2020, que Florian Branchoux tombe sur une statistique effarante disant que 70% des français se disaient malheureux dans leurs travails. En deuxième année de licence, avec des notes moyennes et un moral assez bas, le jeune étudiant se remet en question. Et c’est l’avis de ses proches et son épanouissement personnel dans la photo qui lui ont fait sauter le pas. « Tout ça m’a fait un déclic et ça m’a aidé à prendre la décision de changer d’orientation. » Une orientation qui pose beaucoup de soucis et de stress pour nombre de jeunes. Florian a d’ailleurs pu le constater à l’occasion d’un reportage photo sur les jeunes touchés par la crise du Covid. « Sur 100 jeunes rencontrés il y en avait moins d’une dizaine qui avait trouvé leurs voies dès la sortie du bac. Soit il ne savait pas quoi faire soit il se réorienter. Certains même étant en 3ème année de fac ne savaient pas ce qu’ils voulaient faire. »
Pour Florian Branchoux, ce déclic s’avère être un vrai soulagement, même si au début il n’était toujours pas sur de son choix. « J’ai commencé à me dire que j’avais bien fait en juin 2021, à la fin de ma première année de BTS photo« . Ce qui rassurait le neo-photographe c’est la réussite et le succès des projets photos qui l’ont conforté dans sa volonté de continuer dans cette profession.

Du passe-temps au temps plein ?

Depuis 2016, Florian Branchoux est passionné par la photographie. C’était un passe temps c’est aujourd’hui devenu son métier. Une transition qui s’est notamment faite grâce à des projets qui ont particulièrement bien fonctionné et qui ont eu un écho dans les médias. Notamment le photo-reportage « Les Sacrifiés » dans une volonté de « donner la parole aux jeunes et faire des portraits pour donner un visage à cette jeunesse sacrifiée » comme l’évoque Florian sur son site internet. Autres projets plus larges, des photos-reportages sur les métiers de la sécurité pour faire connaître ses métiers « trop souvent stigmatisés« . Une réussite dans ses réalisations qui l’ont conforté dans son orientation et l’ont même aidé. Le jeune étudiant vient de terminer un stage au service communication du ministère de l’Intérieur, stage obtenu grâce à ces portraits métiers.
Mais une question se pose sur le métier de photographe, à savoir la stabilité. En effet cette profession fonctionne souvent par mission et la rémunération peut donc fortement varier d’un mois à l’autre. Malgré tout pour Florian Branchoux, c’est surtout le choix d’un métier passion dans lequel il s’épanouit. Ce n’est pas pour autant que le jeune homme, ne se donne pas des objectifs. « J’ai établi 3 possibilités pour mon avenir, « 3 plans ». Le plan A c’est qu’après l’obtention de mon diplôme (en juin prochain), je trouve du boulot, pourquoi pas dans quelque chose comme le stage que je viens de faire au ministère. Le plan B serait de s’inscrire en Licence Pro Information-Communication pour acquérir des compétences en communication et me diriger dans ce milieu. Enfin le plan C qui serait de partir faire un photo reportage en zone de crise humanitaire pour ensuite le vendre. Ce plan C je le réaliserais un jour mais je préférerais d’abord m’exercer encore un peu … »
Un objectif de vie bien clair. Pour qu’une passion, devienne sa profession.

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