Depuis 7 ans, Camille Routélous a fait du recyclage des cheveux le projet de sa vie. Plutôt que d’être jetés, elle les récupère pour en faire des vêtements et de l’isolation pour habitats.
Vous êtes-vous déjà demandé ce que devenaient vos cheveux une fois qu’un coiffeur les a coupés ? Généralement, ces derniers partent à la poubelle, puis sont incinérés, générant ainsi de la pollution. Mais pour Camille Routélous, cela doit changer. Elle travaille sur les cheveux, afin d’en changer l’avenir. Un concept qu’elle poli depuis maintenant 7 ans. « C’est un projet passion. Je me suis intéressé à cette matière aux débuts de mes études, car je travaillais sur l’aspect identitaire de l’être humain » raconte cette ancienne élève de l’École des Beaux-Arts de Toulouse.
Au fil des années, Camille a développé de nombreux projets autour de cette matière. Avec l’aide de l’association Ukronie, dont elle est membre depuis 2018, elle a créé une brique avec un mélange de terre cuite et de cheveux pour une exposition au jardin botanique de Toulouse. L’objectif : appréhender l’habitat de manière écologique. Parmi ces autres réalisations, on retrouve également une chaise, confectionnée avec l’aide de son oncle, artisan décorateur, ainsi qu’une cabane à taille humaine fabriquée avec du feutre de cheveux. Une création qui lui a fait réaliser les propriétés isolantes de la matière : « Le cheveu a capté l’énergie de mon corps pour le restituer dans l’espace ».
Les vêtements comme vitrine de son projet
Ce qui a permis à Camille Routélous de faire connaître son projet, c’est sa collection de vêtements confectionnée avec un mélange de sa matière première et de laine. Après une veste en plastique recyclé avec des coutures en cheveux, ce sont désormais des bonnets ou des capes fabriquées grâce à un mélange des deux matières : « Les cheveux c’est comme la laine, ça a les mêmes propriétés. Isolation thermique, phonique, de dépollution au niveau des océans et des mers, d’engrais naturel pour la terre ». Au départ, d’autres matières lui avaient été proposées, comme le polyamide ou le polyester. Inimaginable d’un point de vue éthique et écologique. Il faut réfléchir différemment pour respecter ses convictions sur les enjeux climatiques et environnementaux, notamment en travaillant localement. La filature est Ariégeoise, le tissage et le tricotage se font dans le Tarn.
Pour récupérer sa matière première, Camille Routélous a mis en place un partenariat avec 70 salons de coiffure à travers la Haute-Garonne, le Tarn et l’Ariège. Une aubaine pour les professionnels du secteur, notamment Damien, propriétaire d’Addict’ Coiffure à Toulouse : « Je lui donne avec plaisir. Moi ça me débarrasse des cheveux. Ça me fait plaisir d’aider les jeunes. En plus de ça, c’est une bonne cause, je trouve ça génial le fait de pouvoir transformer les cheveux en fil et en matière. Sinon ils vont à la poubelle ». En contrepartie, afin de remercier ceux sans qui tout cela ne serait pas possible, Camille a donné aux vêtements de sa collection le nom des propriétaires de salon qui lui fournissent les cheveux qu’elle utilise. Chantal, Louis ou bien Damien pour les bonnets, et Sandrine, sa belle-mère qui a également fourni de la matière première, pour la cape.
Objectif autonomie
Elle a mis près de 9 mois pour obtenir son fil de laine et de cheveux, après plusieurs essais, concluants ou non avant son diplôme en septembre 2020, elle. Durant près d’un an, de novembre 2020 à septembre 2021, Camille Routélous a travaillé pour mettre en place une levée de fonds afin de financer son projet, une levée qui a duré de septembre à novembre. Désormais, elle souhaite structurer la filière cheveu dans toute la région, mais pas seulement. « Devenir ce trait d’union entre une matière qui a besoin d’être valorisée et des savoirs faire locaux, afin de pérenniser tout ça. Faire aussi évoluer les regards sur le cheveu et les matières naturelles en règle générale », espère-t-elle.
Camille est désormais concentrée sur un projet qui lui tient à cœur. Le temps que tout cela soit rémunérateur, elle travaille dans une coopérative ariégeoise, Laines Paysannes, qui fait le même travail qu’elle, en plus avancé : 100 % autonome. « Donner de ton temps, de ton énergie à quelque chose qui, pour toi, en vaut la peine, c’est super chaud, mais ça en vaut le coup », conclue-t-elle.