Le 18 janvier face à Jean-Jacques Bourdin, Valérie Pécresse a transmis un message fort, en réaffirmant son soutien aux femmes victimes de violences sexuelles et sexistes. Face aux téléspectateurs, elle a ainsi réaffirmé son engagement féministe. Retour sur son bilan, en tant que présidente de région, ministre et députée.
« Le courage, c’est de ne pas avoir peur. » Ces mots sont ceux de Jacques Chirac, prononcés sur Antenne 2 en mars 1988. Celui que Valérie Pécresse considère comme son modèle serait certainement fier. Comme le 24 heures vous le rappelait, la candidate Les Républicains (LR) à la présidentielle a affirmé mardi soir face à Jean-Jacques Bourdin, visé par une enquête pour soupçons d’agression sexuelle, qu’à ce propos « la loi du silence, c’est fini ». Devant 620 000 téléspectateurs, soit 3,2 % de part d’audience, le préambule engagé de Mme Pécresse a suscité de vives réactions.
La championne des Républicains a également rappelé que pour elle, « le combat contre le harcèlement sexuel et contre les violences faites aux femmes est un combat personnel ». Figure de la droite depuis une vingtaine d’années, Valérie Pécresse a occupé de nombreux postes au cours de sa carrière. Celle qui se déclarait « viscéralement féministe » dans un entretien accordé au Monde en 2016 a eu l’occasion de mettre en pratique ses idéaux. Quel bilan en tirer, à quelques mois des élections ?
En Île-de-France, des avancées (timides)
Sous l’égide de Valérie Pécresse depuis décembre 2015, la région Île-de-France a pris (ou du moins annoncé) plusieurs mesures pour soutenir les femmes victimes de violences conjugales et promouvoir l’égalité des sexes. On pense au soutien apporté au centre Hubertine Auclert, ou aux fonds alloués à plusieurs dizaines d’initiatives pour l’égalité des sexes. En 2021, un projet régional de formation des forces de sécurité sur les violences conjugales a été mis en place. Ces mesures (non-exhaustives) vont dans le sens de la pensée féministe de Mme Pécresse.
Dans un rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, daté de décembre 2021, la présidente de région souligne plusieurs problématiques persistantes. Ainsi, les Franciliennes salariées gagnent en moyenne 18,5 % de moins que leurs homonymes masculins, trois fois plus de femmes que d’hommes en Île-de-France ont des emplois précaires et plus d’une Francilienne sur trois déclare avoir subi du harcèlement, des violences sexistes ou sexuelles au cours de l’année écoulée. Les données de ce rapport ont été prises en compte dans le vote du budget 2022 de la région, comme signifié dans la délibération n°CR 2021-080 du conseil régional, datée du 15 décembre 2021.
Cependant, les termes « égalité femmes-hommes » ou « égalité hommes-femmes » ne sont nullement mentionnés dans le budget 2022 de l’Île-de-France. 13 818 000 € ont été alloués à l’« action sociale », sans que plus de détails ne soient donnés. Contactée, la région n’a pas encore répondu aux sollicitations du 24 heures.
✋ #ViolencesFaitesAuxFemmes ✋
— Région Île-de-France (@iledefrance) November 25, 2021
🗓️ A l’occasion de journée de lutte contre les #violences faites aux femmes, (re)-découvrez 4⃣ actions de la #RégionIDF pour accompagner les femmes qui en sont victimes
➕ de mesures à retrouver ↘️ https://t.co/UWeAh8OOqd pic.twitter.com/J2TYm2QK4T
Depuis son investiture, Valérie Pécresse a, au moins dans les textes, engagé la région Île-de-France à promouvoir l’égalité femmes-hommes. Cet engagement se fait « en tant qu’employeur ou au travers de politiques publiques ». Les résultats concrets de telles politiques sont difficiles à quantifier, mais la bonne volonté est affichée. De quoi faire oublier une sortie polémique datant de 2015, lorsque Mme Pécresse, alors tête de liste LR aux régionales en plein nettoyage d’un ancien camp de Roms à Aulnay-sous-Bois, avait déclaré devant les caméras du Petit Journal de Canal+ : « Rien de tel qu’une femme pour faire le ménage ! » En janvier 2016, déjà face à Jean-Jacques Bourdin, elle avait assumé ses propos et argué que ce n’était pas une boutade.
Au gouvernement et à l’Assemblée : où sont les femmes ?
De mai 2007 à mai 2012, Valérie Pécresse a été ministre de Nicolas Sarkozy, d’abord en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche, où elle a participé à détruire les universités par la loi LRU, puis au budget. Le bilan féministe global du quinquennat Sarkozy n’est certes pas glorieux, mais l’alors ministre a brillé par son manque d’initiatives sur la question. Certainement cadenassée par sa hiérarchie, son (in)action au gouvernement reste une ombre au tableau.
Une seule loi un tant soit peu féministe a été votée pendant le quinquennat : la loi Copé-Zimmerman, qui visait à imposer un quota de 40 % – et pas 50 % – de femmes dans les conseils d’administration des sociétés anonymes cotées en bourse. Cette loi, encore bien loin d’être une réforme féministe, est un tout petit pas vers plus d’égalité. Une loi très semblable, mais destinée cette fois à la haute fonction publique, a été promulguée en mars 2012. Ici encore, le seuil est fixé à 40 % de femmes dans les plus hautes instances de la fonction publique, pas 50 %.
À l’Assemblée nationale, où elle a siégé entre 2002 et 2007 puis entre 2012 et 2016, Valérie Pécresse n’a jamais porté ni co-signé de textes féministes. Lors de son second mandat, elle s’est notamment concentrée sur les questions de sécurité et d’éducation. En 2013, elle a voté contre l’adoption de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe. Cette même année, Mme Pécresse s’est fendue d’un tweet en soutien à Georges Tron, depuis condamné à cinq ans de prison pour viol et agressions sexuelles. Politique à géométrie variable…
Heureuse pour G Tron de son non-lieu. Je pense aux épreuves qu’il a endurées. La présomption d’innocence existe-t-elle pour les politiques?
— Valérie Pécresse (@vpecresse) December 10, 2013
Son bilan en matière d’égalité des sexes lorsqu’elle s’est retrouvée dans les plus hautes instances dirigeantes de notre pays n’est pas fameux. Cocasse pour une candidate qui a qualifié la cause des femmes de « cause nationale » lors d’un déplacement à Pantin (Seine-Saint-Denis), le 4 janvier 2022.
Les engagements de la candidate Pécresse
Dans son programme pour 2022, Valérie Pécresse n’accorde pas une place de choix aux mesures d’égalité femmes-hommes. Aucune grande partie du programme ne concerne les violences subies par les femmes non plus. Quelques points par-ci par-là y font allusion, assez sporadiquement. En revanche, « Stopper l’immigration », « Réformer et réduire la bureaucratie » ou même « Libéraliser l’économie » figurent en bonne place. La justice est au cœur de ses propositions, et dès l’introduction, il est signifié que l’impunité zéro sera imposée. On peut – sans trop se tromper – penser que les violences sexuelles et sexistes n’échapperont pas à cette justice sans concession voulue par la candidate LR.
Dans le détail, il est écrit que « les violences intrafamiliales, et en particulier les violences conjugales, seront instruites en 72 heures et seront jugées en 15 jours ». Cette proposition s’inscrit dans une volonté globale de simplification de la procédure pénale voulue par Valérie Pécresse. La défiscalisation des pensions alimentaires du parent seul sont un autre aspect du programme supposé réduire les inégalités femmes-hommes. Comme stipulé, « 97 % (des parents seuls) sont des femmes et perdent en moyenne 20 % de leur niveau de vie après une séparation ». Dans le corps du programme, voilà les seules traces de mesures quelque peu féministes.
« Je suis la seule candidate à porter une attention particulière à la condition des femmes : je défiscaliserai des pensions alimentaires des mères seules ; je créerai une juridiction spécialisée dédiée aux violences faites aux femmes comme en Espagne. » 🎙@vpecresse #Pécresse pic.twitter.com/qnhkGGxbJW
— Pécresse 2022 🇫🇷 (@avecValerie) January 10, 2022
C’est dans une tribune publiée dans Le Monde, co-signée avec son porte-parole Aurélien Pradié, que la candidate s’attarde sur les violences faites aux femmes, contre lesquelles « il faudra agir beaucoup plus fort ». « Tant qu’il restera une femme, une seule victime de violences conjugales, il faudra agir pour qu’elle soit la dernière », écrivent-ils. Ils ajoutent : « Un de nos premiers textes portera (sur) la création d’une juridiction spécialisée, entièrement consacrée au traitement des violences au sein de la famille […] qui sera permise par l’engagement d’accroître de 50 % en cinq ans le budget des tribunaux. »
Un mot sur les forces de l’ordre également, que la candidate s’engage à « mieux […] former à l’accueil et au suivi des femmes victimes de violences ». Une mesure loin d’être superflue, dans un contexte encore insupportable pour les citoyennes françaises. Pas un mot en revanche sur la revalorisation des salaires des femmes, encore largement sous-payées. Pas un mot non plus sur l’avortement, dont l’allongement du délai légal de 12 à 14 semaines a suscité des débats houleux à l’Assemblée nationale ces derniers jours. Les votes des Républicains en deuxième lecture ? 17 votants, 17 contre. Peut-être une piste pour comprendre la difficulté qu’a Valérie Pécresse à affirmer son féminisme.