Depuis l’arrêté du 31 décembre 2021, la vente de fleurs de cannabidiol est interdite en France. A Toulouse, les nombreuses boutiques de CBD attendent la décision du Conseil d’Etat.
Petit local aux allures de bois et de verdure, éclairé par une ampoule suspendue au plafond. Dans ce 25m2 : un comptoir, une étagère et la vendeuse, Marion. Derrière elle, plusieurs bocaux remplis de fleurs de cannabidiol, la spécialité du magasin. « On vend des huiles, des E-liquides (NLR : liquides pour cigarettes électroniques), des vaporisateurs et surtout des fleurs de chanvres », explique la jeune commerçante, assise dans son fauteuil.
La vente d’herbe et sa consommation, fumée et infusée, est désormais interdite. L’arrêté est annoncé le 31 décembre par le Journal Officiel. L’exploitation de la molécule non-psychotrope du chanvre est cependant autorisée, à condition que le CBD soit transformé en huile. Les produits cosmétiques, les compléments alimentaires ou encore les bonbons sont toujours en course. La décision a remué les professionnels du secteur. L’Union des professionnels du CBD (UP CBD) demande au Conseil d’Etat de suspendre l’arrêté. Un référé-liberté est engagé.
La pression des lois
Dans la boutique, Marion déclare : « La fleur représente 80 % de notre chiffre d’affaires. Si on arrête de vendre, on peut fermer. D’autres collègues eux, peuvent s’en passer, car ils sont spécialisés dans les huiles ou d’autres produits qui couvriront leur perte ». Concernant les potentiels contrôles de police, elle ajoute : « Nous sommes plutôt sereins. D’après mes patrons, ce n’est pas la première fois que le CBD est en mauvaise posture et ce ne sera pas la dernière. On commence à avoir l’habitude. Il faudra bien que la France se plie aux lois européennes. »
Les lois européennes mentionnées font référence à l’arrêté de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en novembre 2020 sur l’affaire Kanavape (NLR : société de vente de cartouche de vapotage préremplies au CBD, blanchie après une condamnation pour vente de cannabidiol en France). La CJUE considère le CBD ni comme un stupéfiant, ni comme un médicament. L’interdiction de la vente constituerait alors une atteinte à la libre circulation des marchandises dans l’Union européenne. Les nombreuses boutiques seraient nées de cette décision.
Des questions soulevées
L’un des autres collègues de Marion est gérant du plus vieux magasin de cigarettes électroniques de Toulouse. La boutique est plus grande. L’agencement est similaire, en plus des cigarettes électroniques posées sur une longue étagère. Depuis quelques mois, il vend des produits contenant du CBD mais depuis l’arrêté, la commercialisation est stoppée. Seules les huiles, les liquides pour cigarette et bonbons sont présents sur les étagères. 400 grammes d’herbes végètent dans le stock, espérant un jour repartir à la vente. Le gérant commente : « 400 grammes, ce n’est pas grand-chose. Certains détiennent jusqu’à 8 kilos de fleurs désormais impossibles à vendre. »
Pour lui, l’arrêt de la vente de fleurs et de feuilles est jouable mais déplorable : « En tant que vendeurs, mes clients et moi souhaitons apporter une solution intéressante aux clients. Un jour, une femme est venue me voir, avec la photo d’une huile que je vendais. Ça l’aidait à dormir. Quand je lui ai annoncé que je ne pouvais pas lui vendre, j’ai été frustré ». Pour lui, cette interdiction soulève des questions : à qui profite cette décision ? Le secteur va-t-il être la propriété d’une industrie ? Pour l’instant, les commerçants attendent. La décision du Conseil d’Etat concernant l’avenir du CBD en France devrait être rendue en fin de semaine.