Du jour au lendemain, notre vie peut basculer. Un accident, un handicap et la sensation qu’il faut tout recommencer à zéro. C’est un peu l’histoire d’Arno, mais le sport lui a permis de se reconstruire, et de mettre un énorme coup de pied dans la fourmilière, celle des préjugés.
«Deux jours à peine après mon réveil du coma, la première chose que j’ai dit c’est: il faut que je trouve un sport tout de suite». Le 18 septembre 2015, c’est une nouvelle vie qui commence pour Arno Vargas. Un accident de la route, l’amputation de ses deux jambes et sa vie d’avant envolée. Le sport devient donc sa priorité. Faire du sport oui, mais lequel ? Arno n’y connaît rien au handicap, il se retrouve du jour au lendemain propulsé de la case des valides à celle des non-valides, sans même savoir quel genre de sport il pourrait pratiquer. C’est à ce moment-là que la vie lui fait un signe. Alors qu’il commence sa rééducation, il rencontre le capitaine de l’équipe de France de rugby fauteuil à XIII. Celui-ci l’oriente directement vers le Stade Toulousain, où Arno commencera à apprendre les bases du rugby fauteuil tout en se remettant en forme.
C’est finalement du côté de Perpignan, avec les Dragons Catalan qu’il se hisse au plus haut niveau de la discipline.
«J’ai l’impression de plus me régaler au rugby fauteuil qu’au rugby normal. C’est un sport que je ne connaissais pas du tout et qui s’est révélé être exceptionnel. Au début on se dit, des handicapés dans un fauteuil qui vont se faire des passes, non merci! Au premier entraînement, je me fais exploser, je ressors avec des bleus de partout et là je me suis dit: c’est bon il est génial ce sport, je continue. Quand t’es un ancien talonneur, que tu arrives là, et que tu te reprends des coups, tu te régales». Le contact, l’impact, la technique tout y est, «aucune différence avec le rugby normal».
Cinq ans plus tard, ce jeune audois, sportif dans l’âme, n’a pas dit son dernier mot. A ce jour il compte deux titres de champion de France avec les Dragons Catalan.
Il fait également partie du groupe France qui s’entraîne pour la coupe du monde 2021, et espère faire partie des 12 qui s’envoleront pour l’Angleterre. Ça, c’est l’histoire de l’ascension sportive d’Arno (en résumé), mais ce qui se cache derrière cette réussite, c’est l’envie de prouver qu’il peut tout faire, comme tout le monde, et que la différence n’est plus qu’un détail physique.
Du statut de valide à celui de non-valide
Pas si simple de se réinsérer dans une société où le handicap est considéré comme en marge, car c’est une différence qui ne fait donc pas partie de la norme. Les regards sont souvent pesants, mais pour Arno, le sport est devenu le moyen d’échapper à cette différence. «Le sport a été essentiel pour ma réinsertion physique et mental. Ce qui m’importe le plus quand je fais du sport ce n’est pas de me montrer à moi-même que je peux réussir, mais c’est de le montrer aux autres. Prouver que malgré mon handicap la vie ne s’arrête pas là. Monter que tu peux ressortir plus fort de tout ça et que t’es capable de tout faire comme les autres».
Du rugby à XV, au water-polo, en passant par la boxe thaï, le sport a toujours fait partie de lui, mais il prend une tout autre dimension après l’accident: «J’ai réussi à me remettre de l’accident grâce au sport et forcément grâce à l’équipe des dragons. Ils te montrent que tu n’es pas juste un handicapé, et que tu n’a pas juste une faiblesse physique. Il faut surtout réussir à accepter le fait qu’il te manque deux parties de toi, deux jambes, mais qu’aujourd’hui tu peux marcher, tu peux faire du sport, tu peux voyager, tu peux tout faire».
Quelle reconnaissance pour un handisport ?
Tout faire comme tout le monde, c’est l’objectif qu’il s’était fixé et aujourd’hui c’est chose faite. Mais pour Arno il reste un détail: la reconnaissance. « Il n’y a pas une grande évolution des mentalités en ce qui concerne le handisport, on n’est même pas considéré comme des athlètes. C’est peu reconnu. On n’en parle pas suffisamment ou alors quand on en parle on ne le montre pas assez comme quelque chose de normal ». Effectivement les handisports ne sont pas reconnus comme des sportifs de haut niveau, autrement dit comme des sportifs professionnels.
Rugbyman, c’est un métier. Rugbyman (en fauteuil) n’en est pas un, pourquoi ? Timothée Quesada, chargé de mission au comité handisport de l’Aude nous explique: «Le problème c’est que contrairement au rugby valide il y a beaucoup moins de joueurs et donc moins de visibilité, moins de concurrence, moins d’intérêt pour les marques ou autre de venir investir de l’argent, donc automatiquement s’il n’y a pas tout ça on ne peut pas en vivre. La reconnaissance professionnelle est vraiment compliquée chez les handisport car il n’y a pas assez de monde qui s’y intéresse».
«On a un gros déficit de popularité»
C’est par le biais de sensibilisations, de formations, de partenariats et surtout de communication que le comité handisport tente de faire bouger les choses: «On a un gros déficit de popularité. Il faut montrer que derrière le handicap et le fauteuil comme dans le cas d’Arno, il y a un sportif avec un entraînement intense, c’est ce qu’on cherche à valoriser pour obtenir plus de reconnaissance». Timothée Quesada tire tout de même du positif du haut de ses 13 ans d’expérience dans le domaine: «On sent une évolution des mentalités. Ça avance tout doucement, sûrement pas assez vite aux goûts de ces sportifs, mais on part quand même de très loin».
Pour combler le manque de reconnaissance des handisports, Arno s’est déjà lancé un nouveau défi. Puisque qu’il faut pratiquer un sport paralympique pour être reconnu comme un sportif de haut niveau, alors pourquoi pas l’aviron. En recherche constante de nouvelles sensations ce nouveau projet lui convient parfaitement et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne manque pas d’ambition: «La fédération m’a permis de mettre en suspens mes entraînements pour me consacrer à mes études cette année, mais je compte m’y remettre rapidement, pour pouvoir participer aux JO 2024».