Ses chicanos ont fait le tour du monde. Pendant ses séjours en Chine où, ne parlant pas la langue, Ceet Fouad dessinait un poulet sur le coin d’une table de restaurant pour passer commande et se faire comprendre. C’est à ce moment-là que sont nés ces petits personnages ronds et colorés. Rencontre entre légalité et illégalité avec ce peintre-graffeur.
« On prépare nos bombes, on s’habille en noir puis ça y est, c’est comme si on allait faire une sorte de mini-cambriolage. » Dans son atelier coloré situé à La Vannerie dans le quartier St Simon au sud de Toulouse, avec ses Chicanos, des petits poulets qu’il décline dans le monde entier, Ceet Fouad raconte son histoire.
Un regard plein de malice, un crâne lisse et ses grosses lunettes, Ceet alias Fouad le street artiste toulousain est un peintre graffeur. Basé à Hong-Kong depuis 2003, son talent vacille entre l’Asie et l’Europe. Artiste reconnu internationalement, il revient régulièrement dans la Ville rose. Avec la crise sanitaire il est depuis un an sur Toulouse mais l’envie de revenir en Chine le titille terriblement. « Dans le milieu du graffiti, moi j’ai eu cette chance de réussir. Mes projets sont en pause à cause du covid mais ce n’est que partie remise. C’est une situation pas facile, mais du coup nous les graffeurs artistes, ça nous permet d’aller dans la rue plutôt que de rester en studio. » explique-t-il.
« On fait des trucs illégaux dans la rue »
Le chauve charismatique de 49 ans, finit l’une de ses créations, puis pose sa bombe aérosol. Dernier coup de fil important concernant une exposition, puis il conte son histoire. Il faut dire que pour Ceet Fouad les débuts étaient difficiles avant d’en arriver là. Mais il se souvient d’où il vient et comment il en est venu à être artiste international. « Ma famille, ils ne sont pas du tout dans le milieu artistique, ils aiment bien mais ils ne comprennent pas tout. Car aller à 50 ans peindre dans la rue la nuit pour marquer son nom ou faire des poulets, pour eux c’est complètement abstrait » témoigne le graffeur. Mais pour lui c’est différent et cela à un sens. Il fait tout pour que sa vie ne soit pas monotone. Il aime surtout peindre dans la rue et il apprécie cette sensation de faire « des trucs illégaux » comme il aime bien dire.
Pour le cinquantenaire, c’est une façon de se retrouver avec ses amis, c’est une passion depuis plus de 35 ans pour trouver des spots un peu caché comme le confirme Tilt un ami graffeur. D’après Ceet, les graffeurs resteront toujours en marge de la société. « On fait des turcs illégaux dans la rue, de toute façon les vrais artistes puristes, ils feront tout pour être en marge. Le but c’est de placer notre tag sans que l’on nous voit pas.”
“C’est comme un mini cambriolage”
À l’époque dans les années 80, c’était un grand terrain vague, explique t-il. Les graffs restaient aux murs, et il y avait une vraie proximité entre les graffeurs. La mairie de son côté était conciliante, et en même temps, il fallait ruser pour échapper à la police. C’est seulement dans les années 90 que la municipalité nettoie les graf. De leurs côtés les artistes se déguisaient en faux ouvriers et installaient des tables avec des faux papiers pour faire croire à un chantier. «Le plus dur, c’était de faire le premier trait à la bombe. Après, on s’est fait «courser» pas mal de fois, mais c’était le bon temps…» détaille Fouad.
Pour gagner sa vie Ceet Fouad expose ses œuvres dans des galeries et collabore avec d’autres artistes. Avec l’expérience, le street artiste est fortement demandé aujourd’hui. Pendant notre entretient, le téléphone sonne. “Oui allô, c’est pour le projet de samedi est-ce que tu peux changer cet élément.” explique Fouad au chef de projet. Maintenant l’artiste fait attention aux projets qu’il accepte et en refuse quatre par semaine. Malgré les expositions conventionnelles, Ceet aime revenir et replonger à ses débuts grâce au graffiti de rue.
Aujourd’hui encore l’homme de la cinquantaine revient à ses jeux d’adolescents : le graff de rue. La journée il repère avec ses amis des spots murs, et ils se débrouillent pour que cela ne soit pas des particuliers mais plutôt des cabines de chantier, des murs abîmés, des urbex… Ensuite entre potes ils se contactent, ils s’écrivent par sms, « vient on va faire un graff là-bas ». À partir de là, ils préparent leurs bombes, ils s’habillent en noir. « C’est comme si on allait faire une sorte de mini cambriolage. On y va en vélo, à pied, moi je me suis fait mal avec un barbelé », explique Ceet. Et à partir de ce moment, ça va vite, en dix minutes maximum. La police arrive mais la plupart du temps il n’y a pas de poursuite. « Si tu peins un train Sncf, tu peux risquer gros, mais moi je ne m’aventure pas dans ça, je fais attention et avec mes amis on fait des endroits qui ne craignent pas. » poursuit Fouad.
« Je veux mourir avec une bombe entre les mains »
Son futur, Ceet le voit dans une maison pour se calmer, se reposer. Entre ses multiples voyages et ses nombreux projets, il souhaite trouver du temps pour lui tout en pensant à diverses nouveautés. Mais le street artiste toulousain veut ensuite repartir en ville une fois qu’il sera ressourcé afin de retrouver son côté urbain. “Fouad est un vrai passionné par l’univers du graffiti. Je sais qu’il continuera jusqu’à la fin de sa vie” témoigne Axelle, une fan de l’artiste. Les mots de la fin pour ce cinquantenaire passionné du graffiti, est qu’il ne se voit pas faire autre chose de sa vie. « Je finirais avec une bombe dans la main. » Ceet Fouad aime cette sensation de liberté, le quotidien le ramène à la liberté pour choisir les projets les plus intéressants. C’est l’heure pour le graffeur de reprendre sa bombe d’aérosol dans atelier où il passe dix heures par jour.