Depuis les années 80, Maître Christian Ételin est avocat pénaliste à Toulouse. Il a plaidé aux côtés des plus grands et défendus les plus démunis. Récemment, la robe noire était le premier avocat à défendre un client devant la cour criminelle, à Toulouse. Rencontre.
Il y a un peu plus d’un mois, il était l’un des premiers avocats à prendre place au coeur du prétoire de la cour criminelle à Toulouse. La juridiction est venue remplacer la cour d’assises pour juger les crimes passibles de 15 à 20 ans de réclusion et est composée seulement de magistrats professionnels. Me Christian Ételin défendait le premier accusé jugé par la cour criminelle. « Dans ma façon de plaider, ça n’a rien changé. Je me suis adressé à eux (les magistrats professionnels) comme à des jurés populaires. »
Il en faut plus pour impressionner « Christian », comme l’appellent ses collaborateurs, et ses quatre décennies de carrière. Être avocat, il en a d’abord rêvé. Longtemps et fort. Mais l’homme, d’origine sociale modeste, s’est toujours dit qu’il ne se voyait pas « faire un métier pour le fric ».
« Je pensais que je n’aurais jamais les moyens de m’installer en tant qu’avocat », se souvient-il assis à son bureau, lunettes rondes bleues sur le bout du nez, et veste en cuir sur les épaules.
« Je suis plutôt engagé, oui »
Alors il a d’abord été prof de philo. « J’avais une revanche à prendre sur cette situation familiale difficile, j’ai essayé de compenser par une réussite par les études. » Mais très rapidement, le destin à rattrapé cet homme que le métier fascine encore. « J’ai épousé une avocate en 1973, Marie-Christine Ételin. J’ai vu que finalement ça serait plus intéressant pour moi d’être avocat et de devenir son collaborateur. » Alors, la robe noire est passé de la philo au droit, a étudié, pour finalement prêter serment en 1978.
Lui même, se décrit comme un soixante huitard. « Je suis plutôt engagé, oui ». Il se lève, et attrape le livre de Foucault, « Surveiller et punir », « je l’ai toujours comme livre de chevet », plaisante-t-il. Puis, il ajoute : « Pour moi, être avocat c’est lutter contre la possibilité, toujours grande, que la justice soit injuste. Que par ses décisions, elle ne soit plus la justice, mais l’injustice. C’est en tous cas, le sens de mon engagement. »
Ce que la robe noire préfère, c’est trouver l’humain dans la monstruosité. L’affaire Mohamed Merrah, dont il avait été l’avocat par le passé, l’a marquée. « Ce gosse je l’ai connu, j’ai vu son rapport aux autres, à la justice. Ça m’a obligé à réfléchir. Réfléchir sur ce que pouvait être le cheminement de cet homme et réfléchir à la condition humaine. D’ailleurs, j’estime que le métier de l’avocat est très philosophique, que c’est un métier de réflexion. »
« Cet homme a toujours défendu les pauvres »
De ses années sur les bancs de la fac de philo, l’avocat n’a rien perdu. Lors de ses plaidoiries, il n’hésite pas à citer Hugo, Baudelaire et les autres. « C’est un vrai spectacle », commente même Éric Zapata, un des ses associés. Puis, il ajoute : « Cet homme a toujours défendu les pauvres, les gens des quartiers, il leur a donné l’opportunité d’être défendu. »
En 1999 déjà, le quotidien l’Humanité disait de Me Ételin qu’il était l’avocat des causes perdues. « J’ai toujours accepté de travailler sans me faire payer autrement que par l’aide juridictionnelle. Ça fait râler beaucoup d’autres avocats qui pensent que je prends le travail des jeunes d’ailleurs, mais j’ai toujours travaillé avec des gens qui n’avaient pas un rond, comment voulez-vous qu’ils me payent ? »
Certains disent que Christian Ételin est un humaniste, au sens philosophique du terme, et qu’il a fait évoluer la justice. Lui est peut-être trop humble pour l’avouer. « Moi, je ne me suis jamais pris au sérieux », rit-il. Au fil des rencontres et des déconvenues, son enfance défavorisée et son origine sociale ont tracé son chemin professionnel.