L’expression des femmes dans les médias audiovisuels français est globalement en hausse depuis 2002. Toutefois, les disparités persistent. Les temps de paroles et d’expertises sont majoritairement accordés aux hommes. Un bilan éloigné de la réalité, alors que les femmes représentent 51,6 % de la population française.
Chaque année, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) publie un rapport sur la place des femmes à la télévision et à la radio. En 2019, l’organisme se réjouissait de l’augmentation de la part des femmes dans les médias audiovisuels en comparaison des années précédentes. Cependant, un constat du CSA persiste : les médias sont “loin encore de refléter fidèlement la réalité de la société française.” En 2020, une étude réalisée par le même organisme durant l’épidémie de Covid-19, met en évidence des tendances identiques ; la parité est presque atteinte pour ce qui est des journalistes et des présentateurs(trices) mais les disparités restent visibles pour ce qui est des expertes appelées à témoigner.
Les journalistes du 24 heures ont donc analysé les données de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) concernant la part de l’expression des femmes depuis les années 2000 dans les médias audiovisuels. Un million d’heures ont été passées au crible par le logiciel inaSpeechSegmenter, sur 21 stations radiophoniques et 34 chaînes télévisées. Le constat ? La part d’expression des femmes dans les médias évolue lentement. Elle reste proportionnellement toujours en dessous du temps de parole accordé aux hommes.
Une tendance à la hausse pour les radios depuis 2002
L’évolution de l’expression des femmes à travers les médias radiophoniques a beaucoup varié entre 2002 et 2019. Sur Skyrock par exemple, la part d’expression de femmes a baissé de près de 4 points après avoir légèrement augmenté, entre 2006 et 2007. Le constat global de l’augmentation des chiffres ne représente donc qu’une tendance. C’est Chérie FM qui depuis près de 17 ans se rapproche le plus de la parité. À noter que RTL2 fournit un véritable effort, passant de 31,2 % en 2002 à 45,7 % en 2019.
À la télévision, la variation se fait selon les chaînes
En télévision, le comparatif de l’année 2010 et de l’année 2019 montre que les taux diffèrent beaucoup plus en fonction des chaînes analysées. C’est principalement sur les chaînes sportives, telles que Canal + Sport et Eurosport que les femmes manquent à l’appel. Aucune de ces chaînes télévisées n’atteint la parité parfaite. La chaîne qui s’en rapproche le plus est M6, avec un total de 43,7 % de femmes, suivi de TF1, avec un total de 42 % en 2019.
Dans son rapport 2019 sur la représentation des femmes dans les médias audiovisuel, le CSA analyse également la part des expertes interrogées sur les chaînes publiques, et se félicite : “les taux d’expertes ne cessent de progresser sur les chaînes où il y a le plus d’émissions de débats”, explique l’organisme. Des propos nuancés par l’INA, qui, s’inquiète du trop peu de visibilité des femmes dans ce rôle. Elles sont principalement appelées pour parler éducation, santé, travail social, et absente des débats politiques, économiques et scientifiques. “Les journalistes ont tendance à équilibrer la répartition des sexes lorsqu’il s’agit de faire parler « l’opinion publique », et à la déséquilibrer lorsqu’il s’agit de faire connaître l’avis des experts ou celui des porte-parole.”, explique l’organisme.
Les taux s’entrecroisent entre la télévision et la radio
Plus globalement, dans le secteur audiovisuel, aucune corrélation existe entre l’évolution de l’expression des femmes à la télévision et l’expression des femmes à la radio depuis 2010. Entre 2011 et 2012, les chiffres des médias télévisés ont augmenté de près de 2 points, surpassant les chiffres de la radio. La tendance s’inverse deux ans plus tard, et l’expression des femmes à la radio augmente à partir de 2015, passant de 31,1 % à 34 % en 2019. Pour ce qui est de la télévision, le pas a été enclenché qu’à partir de 2017, pour atteindre les 32,9 % en 2019. Des chiffres en augmentation depuis près de dix ans, mais n’atteignant toujours pas les 50 %.
Une absence plus marquée dans les domaines spécialisés
Les femmes semblent globalement autant présentes sur les ondes de radios généralistes que sur les ondes de radios musicales en 2019. En revanche, on peut remarquer des disparités au sein même de ces domaines. Dans les radios musicales, Skyrock (radio Rap et Rnb, NDLR) conserve le taux le plus bas avec 14,9 % contre 48,7 % pour Chérie FM par exemple. Dans les radios généralistes, sur RMC, les femmes s’expriment à hauteur de 17,3 % contre 45,7 % sur RTL2.
La comparaison de ces deux visualisations, met en évidence un écart considérable, entre le temps de parole accordé aux femmes sur les chaînes généralistes et les chaînes spécialisées. Le groupe Canal est le plus mauvais élève dans les deux cas : Canal + Sport, consacre seulement 5,1 % de présence féminine à l’antenne en 2019, et Canal + seulement 22,7 %.
Les chaînes spécialisées où les femmes sont les moins présentes sont les chaînes sportives : Canal + Sport, Eurosport, Chasse et Pêche. La chaîne L’Équipe se démarque de ses concurrents avec un temps de parole féminin de quasiment 10 points de plus. Sur cette courbe, le temps de parole des femmes s’élève à 33,9 % sur la chaîne Public Sénat. Une augmentation notable, sachant que c’est dans le domaine politique que les femmes sont le moins représentées.
Dans les médias publics, l’expression des femmes est plus prononcée
En 2002, les femmes occupent un temps de parole plus important sur les radios privées que sur les radios publiques. La tendance s’inverse au fil des années. En 2019, le temps d’expression des femmes à la radio est plus élevé du côté des chaînes publiques. Ce temps de parole (en radio, qu’elles soient publiques ou privées, NDLR) varie de façon plutôt instable et toujours autour du même pourcentage, entre 25 % et 33 %.
À la télévision en revanche, la différence est flagrante. Le CSA explique d’ailleurs que la part d’expertes est beaucoup plus importante sur les chaînes généralistes du service public par rapport aux chaînes généralistes privées : TF1, Canal+, M6. En 2019, alors que sur les chaînes privées, le temps de paroles donné aux femmes peine à atteindre les 30 %, sur les chaînes publiques, il dépasse les 38 %. Entre 2010 et 2019, on voit clairement que la courbe des chaînes publiques est en belle évolution en comparaison à celle des chaînes privées qui ont l’air de se contenter d’un minimum entre 27,8 % et 29,8 % de temps de parole accordé aux femmes, soit une évolution de 2 points en 9 ans.
2021 : des propositions pour tenter de changer les choses
La Une du Parisien de ce dimanche 5 avril 2020
— Le Parisien (@le_Parisien) April 4, 2020
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En avril 2020, le Premier ministre a confié la mission concernant “la place des femmes en temps de crise” à Céline Calvez, députée. L’objectif est d’analyser la place des femmes journalistes et des expertes dans les médias pendant la période de confinement et de crise sanitaire, et formuler des propositions pour s’assurer de leur représentativité. L’initiative a fait suite à un événement : « La Une du Parisien du 5 avril, qui mettait en scène cinq hommes pour illustrer le monde d’après, a constitué une goutte d’eau », explique Céline Calvez. Après analyse de la situation, elle déclare : “On a vu dans cette crise inédite que les femmes étaient encore plus absentes.” Dès septembre, le rapport propose alors un total de 26 préconisations, dont la création d’un observatoire de la parité et de l’égalité, un conditionnement des aides publiques, l’instauration de mesures incitatives mais aussi l’accès à des formations. Et la députée l’affirme, elle ne tant pas à proposer sans agir.