Coup d’oeil sur « Les invisibles », la nouvelle comédie sociale de Louis-Julien Petit

Après « Discount », le réalisateur Louis-Julien Petit revient avec « Les invisibles », sorti en salles aujourd’hui et inspiré du quotidien des femmes SDF. À la fois violent et tendre, ce nouveau film montre la lutte acharnée parfois cruelle pour la réinsertion des sans-abri, portée ici par un élan de solidarité féminine contagieux et rafraichissant.

On les surnomme Brigitte Bardot, Lady Di, Catherine Lara, Amel Bent… mais ne vous y trompez pas : leur quotidien est aux antipodes du confort molletonné du star-système. Elles sont sans domicile fixe et cachent leurs vies de galère derrière des pseudonymes inspirés de leurs idoles. En réalité, personne ne connaît leurs vrais noms, et tout le monde s’en moque ; elles sont « invisibles ». Ces femmes de rue passent leurs journées à « L’Envol », un centre d’accueil de jour du Nord de la France dans lequel elles peuvent se doucher, manger, recharger leur portable, et surtout se délester de leurs sacs et du fardeau de leur vie nomade, le temps de quelques heures.

L’histoire pourrait s’arrêter là mais voilà, seulement 4 % des femmes passées par le centre d’accueil ont été réinsérées. Des chiffres bien trop bas pour l’administration qui décide de fermer l’établissement sous trois mois. Qu’à cela ne tienne : les travailleuses sociales de l’Envol sont bien décidées à offrir un avenir meilleur à leurs pensionnaires. Elles vont d’ailleurs consacrer tout leur temps et toute leur énergie à cette tâche, au détriment parfois de leur vie privée. Redoublant d’imagination elles iront jusqu’à tomber dans l’illégalité en proposant un hébergement de nuit clandestin.

De fortes personnalités en tête d’affiche

Si vous vous êtes laissé tenter par la bande-annonce du film, vous aurez très certainement reconnu la pétillante Audrey Lamy que l’on retrouve ici dans la peau d’une assistante sociale aux côtés de l’actrice Corinne Masiero. Cette dernière, connue du grand public pour son rôle de Capitaine Marleau sur France 3, a un parcours personnel en résonnance directe avec le sujet du film puisqu’elle a connu des années de misère, dans la rue entre violence, drogue et prostitution ; et ce, jusqu’à ce que le théâtre lui tende les bras. Fatalement, qui mieux que Corinne Masiero pour être la figure symbolique de la promotion du film ? De fait, on regrettera que son personnage ne soit pas plus présent dans le scénario, écrasé par une Audrey Lamy quasi-omniprésente.

Aussi, clin d’œil à Déborah Lukumuena qui est sans nul doute la troisième et dernière actrice confirmée que l’on retiendra. Jeune, piquante, elle sait se faire remarquer à chacune de ses apparitions. 

Un casting original et authentique

Mais la véritable force, la « substantifique moelle » du casting est ailleurs: du côté des visages que l’on ne connaît pas. Pour donner vie aux sans-abri de son histoire, Petit a choisi des femmes qui ont elles-mêmes connu la rue. Parmi 300 candidates, il en a finalement retenu une poignée dont l’histoire et la personnalité étaient assez fortes pour être incarnées sur grand écran.

Parmi elles, comment ne pas parler d’Adolpha Van Meerhaeghe ? Elle joue une des femmes accueillie dans le centre, brute de décoffrage et très à cheval sur l’honnêteté, même lorsqu’elle explique à un futur employeur comment elle s’est retrouvée en prison après avoir tué son mari. À elle seule, et en une phrase, elle réussit à faire rire une salle entière. Habitée par un franc-parler déconcertant, on se doute qu’elle se montre face caméra telle qu’elle est dans la vie. Et c’est justement ce que l’on adore chez elle !

À mi-chemin entre le documentaire et la fiction sentimentale

On ressort de la séance avec une étrange sensation, à la fois heurté par la réalité que Louis-Julien Petit nous livre sans ménagement ; un récit fidèle, honnête, à la manière parfois d’un documentaire. (À noter que « Les invisibles » s’inspire des travaux de recherche de Claire Lajeunie et de son livre « Sur la route des invisibles ») 

Et en même temps, on ne peut pas lutter contre ce sourire franc affiché sur le visage, qui n’est ni plus ni moins que le résultat d’un humour efficace. On saluera enfin l’intention de « rire avec » et non pas « rire de », avec des situations foncièrement drôles qui amusent sans jamais tourner en ridicule les protagonistes. Preuve que dans ce film la misère sociale côtoie incontestablement la richesse humaine.

« Honnête » « Pétillant » – Quelques impressions sur le film Les invisibles à la sortie de la salle
Propos recueillis par Samantha Sales

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