« Le Plan Grand Froid n’est pas du tout à la hauteur »

Le collectif d’entraide et d’innovation sociale (CEDIS) vient en aide aux sans-abris, ainsi qu’aux personnes vivant dans des squats et des bidonvilles. Tout au long de l’année, l’association mène plusieurs actions de fronts, et apportent une aide immédiate sur les questions d’hébergement, d’alimentation, de santé, d’emplois, de scolarisation etc. Elle propose des cours de Français, transporte trois tonnes de nourriture par semaine pour plus de 500 personnes, distribue des couvertures etc. Ce lundi 7 janvier, les membres du CEDIS organisent un rassemblement devant la préfecture de Toulouse pour dénoncer le manque de considération de la part des pouvoirs publics envers les personnes vivant dans la rue, et notamment les familles avec des enfants en bas âge. Thomas Couderette, membre du collectif d’entraide et d’innovation sociale a accepté de répondre à nos questions.

Le 24 heures : La préfecture de Toulouse a déclenché le plan grand froid le 4 janvier et l’a renouvelé récemment. Pensez-vous que le dispositif mis en place est suffisant ?

Thomas Couderette : On pense qu’on est très très loin du compte. Le plan Grand Froid c’est toujours dans la logique de se dire « c’est une gestion au thermomètre », alors que ces sujets-là faut les traiter sur le long terme et toute l’année. Et ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que pour la première fois à Toulouse, il y a des familles avec enfant en bas âge dans des tentes en plein hiver. C’est le premier hiver comme ça. Avant, ceux qui étaient dans des campements, c’étaient des personnes seules, ça ne veut pas dire que c’est normal, ce sont des choses que nous dénonçons également. Les familles étaient plutôt dans des squats ou des bidonvilles, avec des installations beaucoup moins précaires, donc des constructions très ingénieuses, beaucoup plus facile à chauffer car isolées du sol. Là on a des familles qui vivent dans des conditions qu’on n’avait jamais vu à Toulouse.

Que faudrait-il faire en plus ?

Il faudrait avoir une politique sociale avec une vision sur le long terme. Il faut savoir que laisser quelqu’un à la rue, à la fin, ça coûte deux fois plus cher à la société que de l’héberger [Selon le rapport du haut comité aux logements des personnes défavorisées, ndlr]. C’est-à-dire que quand la préfecture croit faire des économies en n’hébergeant pas les gens, peut-être que elle, directement fait une économie, mais à la fin les gens sont tellement malades qu’ils vont beaucoup plus chez les médecins de ville ou à l’hôpital, il y a pleins de services de la ville qui sont mobilisés. A la fin, quelqu’un qui est à la rue, coûte environ deux fois plus cher que quelqu’un qui est hébergé. Du coup, il faudrait une politique qui soit durable, responsable et qui propose des solutions dignes et adaptées.

Vous dites que les locaux pour accueillir les familles sont déplacés à l’Union, mais la mairie de Toulouse a mis à disposition le gymnase de Bagatelle pour y dormir.

Ce gymnase, c’est celui qui sera ouvert tout l’hivers. Il y a le plan grand froid qui est là pour 10 jours, et il y a le plan hivernal qui est là jusqu’à fin mars. Là-bas, ce sont 90 personnes seules, plus quelques familles que le 115 cherche à reloger. Donc cela veut dire qu’ils vont pas y rester longtemps.
A l’Union, c’est la solution pour les familles. Mais pour une solution de 10 jours, les gens ne vont pas laisser tomber leur habitat précaire. Dans 10 jours, quand ils ressortiront, ils n’auront plus rien. Ce n’est pas du tout une solution acceptable, c’est juste impensable de gérer les enfants et leur scolarisation dans un contexte pareil. C’est pour ça qu’on est très mécontents du plan Grand Froid qui n’est pas du tout à la hauteur. C’est vrai qu’il y a 1 000 personnes à l’hôtel depuis ces jours-ci. Mais la mobilisation hôtelière c’est pareil, c’est une mobilisation à court terme qui coûte extrêmement cher. Il n’y a pas de solutions pour plusieurs centaines de familles qui vivent dans la rue.

Pourquoi est-ce une mauvaise chose qu’il y ait des dispositifs à l’Union ?

En soi, nous défendons des idées. On n’a pas de problème à ce que le dispositif soit réparti sur le territoire, au contraire. Mais dans ces cas-là il faut que les gens aient les moyens de se déplacer, il faut que les gens puissent rester la journée, et qu’ils ne se retrouvent pas à la rue sans rien quelques jours après. Donc Le problème ce n’est pas tant la situation à l’Union, il concerne surtout les conditions dans lesquelles cela s’organise.

Vous organisez une manifestation dans les rues de Toulouse aujourd’hui à 18 heures, quelles sont les revendications ?

C’est un rassemblement pour appeler ceux qui souhaitent agir à prendre la parole, à dénoncer la situation, et proposer des actions. Nous, nous avons des actions à proposer, tout comme d’autres collectifs qui sont là. On veut dénoncer cette situation dramatique. On parle spécifiquement des familles, mais il ne faut pas oublier les personnes isolées. Les intérêts des uns ne vont pas à l’encontre des autres. Il faut des solutions pour tout le monde. Notre but, c’est de faire en sorte qu’on ne se retrouve plus dans cette situation, et qu’à court terme il y ait des solutions qui soient trouvées. Nous allons donc essayer de dialoguer avec les pouvoirs publics. Mais si cela ne marche pas, nous devrons sûrement passer un cap. Et à partir de la semaine, nous risquons de devoir réquisitionner des bâtiments.

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