La rue Gramat, au cœur du quartier Arnaud Bernard, est l’un des symbole historique du graff à Toulouse. Deux projets se sont succédés depuis 20 ans pour permettre à des artistes ou à des amateurs d’y exprimer leur art. Aujourd’hui la rue fait partie des lieux conseillés par l’office du tourisme et de nombreux visiteurs viennent admirer les fresques et les prendre en photo.
A la fin des années 90 : un projet au cœur de l’histoire de Toulouse
Proche de la basilique Saint Sernin, haut lieu touristique de la ville rose, le quartier Arnaud Bernard ne profite pas de ce rayonnement. Beaucoup de rues sont sales et le quartier n’attire pas les visiteurs. Des tags et des graffs décorent les murs de certains immeubles. Le quartier fait partie des tout premiers de la ville à accueillir de nombreux artistes graffeurs, mais sans organisation. En 1997 l’association « carrefour culturel » décide de lancer un projet avec les habitants du quartier: réaliser une fresque géante dans la rue Gramat pour couvrir les tags. Après trois ans de discussions avec la municipalité, les propriétaires et les artistes, la fresque peut enfin voir le jour. Les riverains participent eux-mêmes au nettoyage de la rue pour accueillir les dessins. Elle est au cœur d’un projet citoyen. David Brunel explique : » le but c’est de créer à l’époque des actions culturelles où les citoyens sont à l’initiative, mais aussi acteur du projet du début à la fin » Il poursuit : » le quartier est vu comme une base d’expérience, avec une réflexion sur le civique ». Parmi les artistes, on retrouve un SDF du quartier, un peintre mais aussi des gens venu d’Espagne. Ils sont tous là pour donner une vision de la ville et de son histoire. Plus qu’une fresque ce sont des échanges, un projet construit par les habitants, pour les habitants. Annick Lodereau, l’une des meneuses, résume le projet à l’époque : » C’est une fresque anti-tag, une création qui démontre que l’on peut faire des choses ensemble et leur donner un sens ». Malgré l’ampleur du projet, au fil des ans la rue est de nouveau utilisée par les tagueurs qui repassent sur les fresques de l’époque dont il ne reste aujourd’hui plus rien.
Un deuxième projet pour renouveler et faire vivre le graff
En 2017, de nouveaux habitants du quartier font le même constat qu’il y a presque 20 ans : les Tags on repris le dessus et la rue Gramat est redevenue moins attrayante. C’est cette fois l’association de quartier qui relance un nouveau projet. Habituellement le graff, sauf accord, est interdit et les auteurs peuvent être poursuivis par la justice. Il a donc fallu avoir l’accord de tous les propriétaires des immeubles de la rue. Avec l’aval de la municipalité c’est un festival qui pose ses valises à Toulouse : le latino Graff. Des artistes du monde entier viennent donc rue Gramat et dans le quartier pour refaire de nouvelles fresques. Il faut tout de même s’adapter à l’environnement du quartier. La proximité de la basilique Saint Sernin interdit l’usage de la couleur bleue (mesure imposée par les Bâtiments de France). Des novices se sont mêlés aux artistes pour faire revivre l’esprit du graff. Les nouvelles fresques, contrairement au premier projet, sont uniquement artistiques. L’histoire de la ville n’est plus racontée à travers les dessins mais on retrouve des caricatures, des animaux et de multiples œuvres contemporaines. Aujourd’hui la Rue fait partie du « graff tour », une visite guidée du « Street Art » dans Toulouse tous les étés. Malgré cela il ne reste déjà plus que quelques fresques de ce festival. Des tags sont déjà venus recouvrir certaines œuvres. L’agent d’accueil du point info confie tout de même : » les nouveaux tags sont moins esthétiques que ceux qui était présents sur les fresques, mais ce n’est pas grave, l’esprit c’est de faire vivre cet espace ». Certains habitants du quartier comme Jean-Marc demandent même a pousser le projet plus loin : » l’idée est bonne, certains dessins sont très beaux mais pas tous, il faudrait que le travail des artistes puisse perdurer dans le temps ». Peut-être déjà le début d’un nouveau projet.
Visite de la rue Gramat aujourd’hui
Medy Guillonneau