Mélodie Mouzaoui : « On était des nanas en poum-poum short et on est devenues des athlètes à part entière »

Pour la journée internationale du sport féminin, ce mercredi 24 janvier, la rédaction du 24 heures a décidé de donner la parole aux sportives de notre région. Nous vous avons concocté un dossier dans lequel Nouria Newman, championne du monde de kayak extrême, Nisrine Naoudi, footballeuse, Sébastien Vuillon, entraîneur  d’une équipe de rugby féminine et Mélodie Mouzaoui, championne de France de Roller Derby, se confient sur leurs parcours et la place qu’occupent les femmes dans leur sport. Un dossier à découvrir pour rompre avec les clichés. 

Mélodie Mouzaoui fait du roller derby depuis 5 ans maintenant. Celle que l’on surnomme Raven , son « derbyname », comme elle le dit, a su s’imposer au niveau national en peu de temps. Elle a aujourd’hui 26 ans et espère bien collectionner les titres, mais surtout, les conserver. « J’ai monté petit à petit les échelons et, aujourd’hui, je suis l’une des championnes de France dans l’équipe élite du club : la Nothing Toulouse« , résume-t-elle. Mélodie Mouzaoui est bloqueuse dans l’équipe de la défense.

« On est une petite quinzaine de bloqueuses et cinq jammeuses, ou attaquantes. Mon but, avec mes coéquipières, est de faire en sorte d’arrêter la jammeuse adverse, de l’empêcher de passer, de marquer des points, voire même de lui faire faire des fautes pour être sûre qu’elle ne gêne plus », raconte-t-elle avec entrain.

Depuis qu’elle a enfilé ses premiers patins, Raven n’a jamais vécu un moment aussi riche en émotion ou en sensation que la victoire de son équipe au championnat de France l’année dernière. Particulièrement, la dernière étape de ce championnat durant laquelle elle est restée sur le banc de touche. « La Nothing Toulouse a pu récupérer son titre face à notre ennemi légendaire : Paris. Pour les affronter, nos coachs ont décidé de prendre les meilleures et c’était encore un peu tôt pour moi. Mais j’ai joué cinq matchs sur six », se réjouit-elle. « On voulait à tout prix gagner et voir mes coéquipières y arriver, c’était tellement fort ! Chaque joueuse à eu son moment et sa place sur ce match précis et c’est formidable. Ça m’a fait prendre conscience de l’investissement qu’on pouvait y mettre. J’ai eu l’impression d’avoir mis mes tripes sur la table et d’avoir dis : « OK c’est bon. On l’a fait, on y est ! » On a réussi toutes ces petites victoires pour arriver à cette grosse victoire« , se souvient-elle le sourire aux lèvres.

Une discipline addictive

Le Nothing Toulouse est un groupe de 17 personnes. Douze d’entre elles sont dans l’équipe de France et se rendront à Manchester pour participer au championnat du monde en février prochain. Pour les rejoindre, le sport est devenu un quotidien pour Mélodie Mouzaoui. Elle pratique chaque semaine plusieurs activités pour se renforcer : « Je vais aux entraînements de roller derby pendant six heures, je pratique la musculation pendant quatre heures, je fais de la course à pied pendant trois heures et je fais une sortie en roller d’une à deux heures », détaille-t-elle.

Une détermination sans faille alors que Mélodie Mouzaoui ne pratiquait aucun sport il y a seulement cinq ans. « Je pesais 120 kilos et, aujourd’hui, j’en fais 75. Je n’avais jamais fait du sport avant le Roller Derby. Le truc le plus dur pour moi ça a été de me mettre au sport justement. Mais ça a aussi été le plus simple », s’étonne-t-elle encore. Et d’ajouter : « Le Roller Derby est hyper addictif. Ce sport a changé ma vie ! Je suis passée d’une non-sportive qui bouge très peu à une nana qui va rouler cinq fois par semaine, voire tous les jours. Il y avait d’abord le physique à construire pour se faire des reins solides. On prend des coups et au niveau cardio il faut pouvoir tenir. C’est un sport très impulsif. Il faut partir, revenir, attaquer, défendre… Et il faut réussir à enchaîner le tout ».

Mélodie Mouzaoui, championne de France de Roller Derby. Crédit : Orel Kichigai

Avec du recul, Raven s’est rendu compte qu’elle a réussi à surmonter une seconde barrière. Cette fois-ci psychologique : « J’ai pris confiance en moi et j’ai appris à accepter les échecs. Il y a des défaites collectives, mais aussi personnelles. Tu peux prendre en niveau et après pendant un an tu vas stagner. T’as beau continuer et bosser, ça ne donne rien. Et au final, un jour, ça revient. Ça peut être dur à vivre car tu t’entraînes plusieurs heures par semaine et tu ne te vois pas évoluer. C’est très frustrant ! », dit-elle avant d’ajouter : « Mais l’important, c’est de ne pas lâcher même quand on ne voit plus le bout du tunnel. Il faut continuer parce que ça fini forcément par tomber », conseille-t-elle.

Dans ce sport être une femme ne semble pas être une difficulté. En effet, le roller derby est un sport majoritairement féminin. Mélodie Mouzaoui le confirme.

D’après elle, « les hommes qui sont dans le roller derby se battent pour intégrer les femmes dans le sport et pour qu’elles y occupent une place à part entière. Je n’ai pas souvenir d’une seule vanne ou remarque désobligeante. Peut-être que de joueuses ou des clubs pensent différemment, mais on ne m’a jamais considérée comme une femme. Juste comme une sportive. »

La vision du sport évolue

Les femmes n’ont pas eu à lutter pour s’imposer dans cette discipline, mais la vision de ce sport a bien évolué. À l’origine, le roller derby était du roller-catch féminin. « C’était pour faire le show avec des nanas belles comme le jour qui se mettaient sur la gueule.  Après quoi, on est passé au short et aux collants en résille : un côté plus rock, des nanas qui ne se laissent pas faire. Aujourd’hui, on a évolué d’une image décalée à quelque chose d’olympique. C’est une petite révolution : on était des nanas en poum-poum short et on est devenues des athlètes à part entière », déclare-t-elle avec conviction.

 

Mélodie Mouzaoui, championne de France de Roller Derby. Crédit : Orel Kichigai

Mélodie Mouzaoui conseille aux jeunes femmes sportives d’être honnêtes avec elles-mêmes et de savoir se ménager. « Il faut prendre le temps de construire les choses. Y aller progressivement, mais le faire vraiment. Il y a tellement d’apports et ça déverrouille nos problèmes de la vie perso », assure-t-elle. « Tout ce que j’ai réussi à débloquer d’un point de vue sportif m’a été rendu fois mille d’un point de vue personnel. Par exemple, quand j’ai vécu ma crainte de la chute, je n’avais plus peur d’échouer dans la vie. Quand j’ai réussi à me tenir aux six mois de jogging que je m’étais fixée, j’ai compris que j’arriverai à faire ce que je veux dans la vie. Il faut se lancer et ne jamais rien regretter, car au moins on a essayé », conclut-elle.

Chams Iaz 

Auteur / autrice

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